Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, les relations entre Alger et Rabat sont marquées par des rivalités persistantes, nourries par des visions opposées sur des dossiers stratégiques. L’un des points les plus sensibles reste la question du Sahara occidental. Tandis que le Maroc revendique la souveraineté sur ce territoire depuis son retrait par l’Espagne en 1975, l’Algérie soutient le Front Polisario, qui milite pour l’indépendance de la République arabe sahraouie démocratique. Ce soutien s’est traduit, entre autres, par l’accueil de milliers de réfugiés sahraouis sur son sol, dans des camps installés autour de Tindouf. À cette rivalité géopolitique se sont ajoutés des contentieux diplomatiques, des accusations mutuelles d’ingérence et une fermeture durable de la frontière terrestre entre les deux pays. En toile de fond, une compétition d’influence en Afrique et une défiance réciproque sur les alliances internationales ont contribué à figer le dialogue, malgré des tentatives sporadiques de rapprochement.
Une approche américaine axée sur l’équilibre
Dans ce climat complexe, l’administration Trump tente de se poser en médiateur. L’objectif déclaré : favoriser un dialogue entre Rabat et Alger et proposer une sortie de crise autour du dossier sahraoui. C’est le message que Massaad Boulos, conseiller présidentiel pour l’Afrique et le Moyen-Orient, a voulu transmettre lors d’un entretien télévisé. Selon lui, l’administration en place considère que la stabilité régionale dépend en grande partie d’un règlement du conflit du Sahara occidental, un sujet devenu symbolique de la rivalité entre les deux voisins.
L’un des leviers de cette diplomatie consiste à réaffirmer l’importance d’une solution « acceptable pour les deux parties », reprenant ainsi les mots du sénateur Mark Rubio. Cela suppose, en théorie, de concilier les revendications marocaines d’intégrité territoriale et les aspirations sahraouies à l’autodétermination, avec en toile de fond l’enjeu humanitaire que représentent les quelque 200 000 réfugiés sahraouis présents en Algérie depuis des décennies. Cette ligne de conduite vise à atténuer les effets de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en 2020, tout en gardant ouverte la voie à une reprise du dialogue.
Un pari diplomatique risqué mais calculé
L’initiative portée par Trump mise sur une logique d’équilibriste. D’un côté, elle tente de ne pas froisser Rabat, partenaire économique et sécuritaire de longue date. De l’autre, elle cherche à rassurer Alger sur le fait que ses préoccupations sont entendues, notamment sur le sort des réfugiés et la nécessité d’une issue politique durable. En évoquant publiquement l’importance de ce dossier pour les États-Unis, l’administration américaine laisse entendre qu’elle pourrait peser davantage dans les discussions futures, sans pour autant imposer un cadre unilatéral.
L’intérêt stratégique est clair : rétablir une forme de dialogue maghrébin susceptible de renforcer les efforts de lutte contre les réseaux transnationaux, d’apaiser les tensions militaires aux frontières, et de rouvrir des perspectives de coopération régionale dans un Maghreb paralysé par ses divisions. Cette tentative de médiation, bien que fragile, reflète aussi une volonté de ne pas laisser le terrain diplomatique aux seules puissances européennes ou asiatiques, de plus en plus actives dans la région.
Reste à savoir si cette approche trouvera un écho auprès des autorités concernées. Car au-delà des déclarations, c’est sur le terrain des actes concrets — échanges de haut niveau, concessions symboliques, engagements multilatéraux — que se jouera la crédibilité de cette intervention américaine. Et surtout, sa capacité à transformer un conflit gelé depuis près d’un demi-siècle en un dialogue, même imparfait, mais constructif.