Le nouveau code électoral voté par les députés de la majorité présidentielle, à une abstention près, est diversement apprécié. Si pour les partisans de Talon, c’est ce qu’il faut pour le Bénin, pour l’opposition, la société civile, les confessions religieuses et la grande majorité des Béninois, il s’agit d’un texte d’exclusion qui peut créer des problèmes à la paix au Bénin. Les regards sont donc tournés vers Dorothée Sossa et les autres sages de la cour constitutionnelle pour débarrasser le pays de ce texte compromettant la bonne marche de la démocratie selon divers acteurs.
Malgré les appels de la Société civile, des confessions religieuses et d’autres acteurs, les députés de la 9ᵉ législature, du moins ceux de la majorité présidentielle, ont fait adopter un nouveau code électoral dans la nuit du mardi 05 mars 2024. Le texte voté par 79 voix pour, 28 contre et une abstention révèle selon différents acteurs beaucoup de problèmes. Sa conformité avec la constitution de la République du Bénin laisse à désirer. C’est pourquoi, au lendemain de son adoption, la plateforme des organisations de la Société civile demande au chef de l’État de ne pas le promulguer.
Les griefs de la Société civile
« La Plateforme électorale note que la loi électorale, telle que votée, est porteuse d’exclusion, contre l’intérêt général, fortement crisogène et peut ouvrir la voie à la violence si elle est promulguée en l’état. Il faut rappeler que le Code électoral de 2019, objet de cette inique relecture, avait déjà profondément entamé la cohésion nationale avec des conséquences déplorables qui demeurent encore vivaces dans les esprits« , lit-on dans une déclaration signée de Fatoumatou Batoko Zossou, présidente de la plateforme électorale des organisations de la Société civile.
Face à cette situation, la Société civile exhorte les membres de l’Assemblée nationale qui ont intérêt et qualité à tirer toutes les conséquences de l’article 121 de la Constitution en plaidoyer juridique pour contribuer au renforcement de l’État de droit et de la démocratie. Elle invite le chef de l’État à user de toutes ses prérogatives en vertu des dispositions des articles 57 et 121 de la Constitution pour assurer son serment de ne se laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes ses forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale en se refusant de promulguer en l’état la loi adoptée.
Elle exhorte enfin le peuple béninois à opposer à la violence, le dialogue, l’écoute, la tolérance dans la différence pour que triomphe l’héritage chèrement acquis à l’issue de la conférence des forces vives de la nation de février 1990. « L’adoption du code électoral relu le 5 mars 2024 vient annihiler tous les efforts inlassablement fournis par la société civile en vue de contribuer à des processus électoraux inclusifs et pacifiques dans notre pays » a conclu la présidente de la plateforme électorale des OSC.
Les entraves à la constitution
« L’acte de parrainage est un engagement unilatéral à soutenir un candidat à l’élection du président de la République et les élus ont la liberté d’accorder leur parrainage aux candidats de leur choix », rapportent les décisions EP 21-012 du 17 février 2021 et Dcc 21-232 du 16 septembre 2021. Ce sont d’ailleurs les mêmes propos qui ont été servis dans une correspondance il y a quelques années par l’actuel président Louis Vlavonou.
Contraindre alors les élus à n’accorder le parrainage qu’au candidat de leur parti politique constitue une atteinte de la constitution et une remise en cause des deux décisions suscitées. Mieux, la disposition qui parle des 20 % est contraire à plusieurs dispositions de la nouvelle constitution en vigueur au Bénin. L’article 80 de la nouvelle constitution stipule par exemple que « Les députés sont élus au suffrage universel direct… Chaque député est le représentant de la Nation toute entière et tout mandat impératif est nul ».
La démarche de relecture de ce code, en elle-même, selon les propos de l’honorable Bako Arifari viole la Dcc 20-001 du 04 janvier 2024 dans laquelle il est dit que « l’Assemblée nationale est invitée à modifier le code électoral pour, d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n°2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral ». Il n’a donc jamais été question d’une relecture du code, mais d’une mise en conformité et la correction de la question de légitimité.
Maintenant que le vote est fait, les béninois veulent bien faire confiance à la cour constitutionnelle de leur pays pour arrêter la saignée et garantir la paix et cohésion sociale. Aux heures tumultueuses de l’histoire de la démocratie, en effet, le peuple béninois a su compter sur la haute juridiction pour ramener les différents acteurs à la raison.
Même si depuis quelques années, 2016 en l’occurrence, la crédibilité de la cour constitutionnelle a mis à mal à travers plusieurs actes, il est important de savoir que le rendez-vous de 2026 est l’un des plus cruciaux que le Bénin a connus depuis l’adoption du régime démocratique. La cour constitutionnelle ne devrait alors permettre à personne, de jouer avec la vie des Béninois. La consolidation de la paix dépend donc désormais des sept sages.