Publié le 3 avril 2025
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L’Assemblée nationale du Sénégal a adopté, mercredi 2 avril, une loi qui révise la loi d’amnistie adoptée en mars 2024, dans les dernières semaines de la présidence de Macky Sall (2012-2024), afin d’apaiser les années de tensions qui ont culminé à l’approche de l’élection présidentielle de mars 2024. Des dizaines de personnes avaient été tuées et des centaines d’opposants arrêtés, dont les actuels président et Premier ministre, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
Bassirou Diomaye Faye, vainqueur de ce scrutin, avait promis d’abroger cette loi « pour que toute la lumière soit faite et les responsabilités établies ». Mais c’est finalement « une proposition de loi interprétative », révisant ce texte et précisant son champ d’application, qui a été soumise par un député de Pastef, le parti au pouvoir, à l’Assemblée nationale où cette formation dispose d’une majorité abolue.
Elle vise à « lever toutes les équivoques et controverses sur les catégories d’infractions couvertes par la loi d’amnistie », selon sa présentation. « Les dispositions internationales interdisent une amnistie des atteintes aux droits fondamentaux de l’homme. Si on ne vote pas cette loi, on aurait la censure des tribunaux internationaux », a expliqué l’auteur de la proposition de loi, Amadou Ba, devant ses collègues.
Le texte a été approuvée par 126 députés parmi 146 votants, sur les 165 que compte l’Assemblée nationale. 20 ont voté contre le texte, après près de 11 heures de débats, dans une ambiance surchauffée.
Avec le texte adopté, les meurtres, assassinats, crimes de torture et actes de barbarie sont exclus du champ d’application de la loi « quelle qu’en soit leur motivation et indifféremment de leurs auteurs ».
« Protéger ses militants »
Pendant les manifestations politiques entre 2021 et 2024, la présence d’hommes armés habillés en civil avait été relayée sur les réseaux sociaux et dénoncée par des défenseurs des droits humains.
Ces hommes ont été accusés par l’opposition de l’époque d’être des « nervis » au service du camp de Macky Sall pour prêter main forte aux policiers et gendarmes et réprimer les contestataires.
« Personne ne peut amnistier un crime, des tortures et des traitements inhumains. On n’acceptera plus qu’on donne un permis de tuer à qui que ce soit », a déclaré le député Pastef Guy Marius Sagna.
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L’opposition accuse le parti au pouvoir de vouloir protéger ses militants qui avaient manifesté, parfois de manière violente, contre le pouvoir de Macky Sall avant l’alternance de 2024. Elle lui reproche également de cibler des responsables et membres des forces de l’ordre soupçonnés par l’ex-opposition d’abus contre ces mêmes militants.
« Si la gendarmerie, la police et l’armée n’étaient pas (intervenus contre les auteurs de violences), personne n’aurait dormi normalement », a déclaré la députée d’opposition Thérèse Faye. Elle a mis en cause des membres de Pastef dans les violences survenues entre 2021 et 2024.
« Le premier commanditaire (de ces violences) est celui qui a appelé au mortel combat et à l’insurrection, le Premier ministre Ousmane Sonko » alors principal opposant du président Sall, a dit le député du parti de Macky Sall, Abdou Mbow.
Au moins 65 personnes ont été tuées – dont 51 par balles, en grande majorité des jeunes – pendant les manifestations à l’appel de l’opposition, selon le bilan établi par un collectif réunissant des journalistes et scientifiques. Nombre de jeunes ont aussi été blessés ou détenus. Des responsables du pouvoir avancent un nombre de morts plus élevé, jusqu’à plus de 80.
Mardi, 20 organisations de la société civile sénégalaise, parmi les plus représentatives du pays, avaient demandé un report de l’examen de la révision de la loi d’amnistie, et une concertation sur le sujet pour faire toute la lumière sur les violences, faire rendre des comptes à leurs auteurs et indemniser les victimes.
(Avec AFP)