Publié le 12 avril 2025
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« Ceci n’est pas un brûlot », lit-on à la première ligne de la quatrième de couverture. L’essai grinçant de Joël Té-Léssia Assoko – ancien rédacteur en chef adjoint à Jeune Afrique – en possède pourtant tous les attributs. « Enterrer Sankara, essai sur les économies africaines », premier titre de la collection « Pépites jaunes » des éditions Riveneuve, s’attaque à l’inattaquable héros révolutionnaire burkinabè. Chiffres à l’appui, le journaliste déconstruit les politiques économiques mises en œuvre et les choix, parfois contradictoires, faits par le capitaine burkinabè.
Thomas Sankara n’est resté qu’un peu plus de quatre ans au pouvoir mais il représente un mythe « d’hérésies économiques », assène-t-il tout en lui concédant des idées novatrices en termes de santé et d’éducation. L’auteur franco-ivoirien regrette surtout que Thomas Sankara ait réussi à installer l’idée que la « révolution » soit la voie à suivre. Cela mènerait à une impasse, selon lui.
Dépasser l’héritage
Pire, la plupart des penseurs africains ayant pignon sur rue seraient gangrenés par ces idées utopistes : Kako Nubukpo, Felwine Sarr, Achille Mbembe, Célestin Monga… Tous en prennent pour leur grade dans cet essai condensé, érudit, à contre-courant, qui déplore cette tendance à « l’apitoiement sur soi ». « Lorsque l’on met en avant de nouvelles façons de penser l’humain, de penser l’économie, c’est mentir à l’Afrique et se mentir à soi-même », tacle-t-il. Mais l’ouvrage s’inscrit dans une réflexion plus large sur les modèles de développement du continent, loin des clichés, avec pragmatisme et sans concession.
On ne peut pas résoudre les problèmes contemporains de l’Afrique avec ce référentiel des années 1980.
« Enterrer Sankara, c’est métaphorique, confie-t-il à Jeune Afrique. L’objectif, c’est de dépasser cet héritage. On ne peut pas résoudre les problèmes contemporains de l’Afrique avec ce référentiel des années 1980. D’autant qu’à l’époque, déjà, les politiques économiques de Sankara étaient vouées à l’échec ».
Envolées lyriques
De fait, Sankara n’a jamais été autant d’actualité. Comme le capitaine burkinabè, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko prônent la fin de la dépendance à l’Occident et ont le souverainisme économique comme boussole. Les juntes sahéliennes revendiquent également, parfois jusqu’à la caricature, l’héritage de Thomas Sankara.
Ainsi, Joël Té-Léssia Assoko regrette que les régimes qui se réclament de lui aient « l’émancipation politique comme seul programme ». Il déplore également que les questions « technico-économiques » soient délaissées au profit d’envolées lyriques sur l’asservissement par l’aide au développement, la dette illégitime ou la prédation néocoloniale de la France.
Or, « la première loi de la pauvreté est l’économie » affirme le journaliste qui a cofondé le think tank L’Afrique des idées. Pour lui, l’émergence du continent se fera à une seule condition : une hausse significative et continue de la productivité. Le débat est ouvert.
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Enterrer Sankara – Essai sur les économies africaines, de Joël Té-Léssia Assoko, Riveneuve, 151 pages, 10,50 euros.