Suspendu le 19 mars 2025, « le procès Dangnivo », relatif à la disparition en août 2010 de Pierre Urbain Dangnivo, cadre de l’administration des finances, a repris ce mardi 08 avril 2025, au Tribunal de Première Instance de Cotonou.
Lors de la dernière audience (19 mars 2025), le colonel Firmin Boco, président de la commission d’enquête à l’époque et le Colonel Sévérin Koumassègbo, chef sécurité du président Boni Yayi au moment des faits, ont été auditionnés par le Tribunal. Codjo Alofa, principal accusé de l’assassinat présumé de Dangnivo et Donatien Amoussou, son co-accusé, ont contredit la déposition du président de la commission d’enquête.
L’audience de ce mardi, qui s’est ouverte à 12h05, a été consacré aux dépositions de l’ex-Directeur Général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (EX ORTB), Julien Akpaki et du Docteur Akabassi Ghislain, un sachant. Convoqué à la barre, à 12 h 17 mn, l’ex (-DG /ORTB), a prêté serment. Ensuite, le président de Céans Guillaume Laly lui a demandé de montrer entre les deux prévenus, celui qu’il a reconnu. Julien Akpaki doigte Amoussou Donatien.
Dans ses propos, l’ancien patron de l’ORTB a déclaré qu’il était dans son bureau un vendredi, lorsque Auguste Amoussou (grand frère de Donatien Amoussou), est venu le voir pour lui dire que l’ORTB a diffusé un communiqué par rapport à un véhicule. Auguste Amoussou lui aurait dit qu’il a des informations à donner à la présidence. Constatant que l’information est sensible, il a appelé le Colonel Sévérin Koumassègbo. Ce dernier lui aurait rétorqué qu’il est occupé. Le lundi, rappelle-t-il, Auguste Amoussou est revenu le voir avec son grand frère Donatien et un camerounais (Prizo).
La déposition d’Auguste Amoussou
Dans sa déposition, Auguste Amoussou a confié avoir déjeuné avec Julien Akpaki. A la barre, l’ex-DG a fait savoir que ce n’est pas de ses habitudes d’offrir un repas à ceux qu’il ne connait pas. Il a précisé que Auguste Amoussou s’est présenté à lui en tant que de la presse quand il l’a appelé. “ Je ne connaissais pas la teneur du communiqué diffusé sur l’ORTB”, a répondu l’ex-DG/ORTB. A la question du président de Céans de savoir si l’ex-DG/ORTB fait-il le lien entre le véhicule et Dangnivo ? Julien Akpaki dit ne pas connaître Auguste Amoussou. Il ne se souvient pas avoir dîné avec lui et son frère Donatien non plus. Il a expliqué que c’est à la demande expresse d’Auguste Amoussou qui voulait communiquer des informations à la présidence ; qu’il l’a introduit auprès du colonel Koumassègbo. Interrogé par les avocats de la partie civile, Julien Akpaki a déclaré que “c’est de manière spontanée” qu’il a pris cette initiative, qui est de l’introduire à la présidence, “pour le mettre en contact avec quelqu’un de la sécurité présidentielle.
En ce qui concerne sa méfiance, il a affirmé que c’est Auguste Amoussou qui demande à porter cette information à la présidence. Il a vaguement précisé que c’est dans la période entre Août -septembre que l’ORTB a commencé à diffuser le communiqué. Il a indiqué qu’il ne connaît pas la provenance du communiqué. Selon lui, c’est Auguste Amoussou qui lui a dit détenir des informations sur le véhicule recherché et qui serait de Dangnivo.
Donatien Amoussou à la barre
Invité à la barre à 12h55, Donatien Amoussou a indiqué que, le premier jour, c’est devant lui que son grand frère a appelé le DG/ORTB, le téléphone était sur main-libre. Il affirme que son grand frère ne s’est pas présenté au DG/ORTB. Pour lui, c’était comme si Julien Akpaki et son grand frère se connaissaient déjà. Julien Akpaki aurait demandé à Auguste d’envoyer Donatien et Prizo. Deux jours plus tard, ils sont allés le voir. Donatien a ensuite soutenu que Prizo avait tout raconté dans le bureau du DG/ORTB. C’est alors que ce dernier a appelé le colonel Koumassègbo devant eux. Le jour de l’exhumation du corps présumé de Dangnivo, poursuit le prévenu, le DG/ORTB, son grand frère et lui étaient à la Place des Souvenirs autour de 23 h. Pour Donatien, s’il voulait donner des informations à la présidence, ce n’est pas à Akpaki qu’il se serait adressé. Il dit connaître des personnes à la présidence, parmi lesquelles des compagnons d’armes et même quelqu’un qui l’avait informé.
Après cette déclaration de Donatien, Julien Akpaki a répliqué : « Auguste est venu d’abord seul dans mon bureau », a-t-il martelé. L’ex-DG/ORTB ne reconnaît pas avoir été avec Donatien et son grand frère, la nuit de l’exhumation. La déposition de Julien Akpaki a pris fin à 13h03 et la séance a été suspendue.
Intervention du Dr Akabassi Ghislain
À la reprise, à 13h18, Akabassi Ghislain, docteur en biodiversité et changements climatiques, a été interrogé par visioconférence. Le président de céans a rappelé que, dans les dépositions, Codjo Alofa avait indiqué avoir administré à Dangnivo un produit appelé en fon « Ayokpè ». Le docteur en biodiversité et changements climatiques a d’abord précisé que, pour son master, il avait travaillé sur l’espèce dénommée « Ayokpè », dont le nom scientifique est Picralima nitida.
Selon l’expert, à forte dose, cette plante devient nocive car elle accélère la fréquence cardiaque. Pour lui, c’est une espèce utile, mais son utilisation doit être contrôlée. Le Dr Akabassi Ghislain a déclaré que, si un être humain consomme les substances contenues dans l’« Ayokpè » à forte dose, cela peut tuer ses cellules. À forte dose, cela peut intoxiquer, voire être fatal. Il a souligné que les bokonons utilisent l’« Ayokpè » notamment en milieu Nagot, à Ifangni, à Sakété, ainsi que chez les tradi-thérapeutes. De manière générale, a-t-il expliqué, les produits naturels ne provoquent pas une perte de connaissance immédiate après consommation. Il faut un peu de temps pour que les effets se manifestent.
Le spécialiste a précisé qu’il faut des essais cliniques pour déterminer à quelle dose la consommation d’« Ayokpè » peut devenir fatale.
Convoqué à la barre à 14h03 pour réagir aux propos de l’expert, Alofa a déclaré qu’il n’avait jamais parlé d’« Ayokpè », mais plutôt de « Sokpakpè ». Il a rappelé que sa première version correspondait à ce qu’on lui avait demandé de dire. Alofa insiste sur le fait qu’il ne connaît pas du tout Dangnivo. « La vérité, dans tout ce que je dis depuis le début, c’est que je ne connais rien de Dangnivo », a-t-il martelé.
L’audience a été suspendue à 14h19 pour reprendre ce mercredi 9 avril 2025 à 10h.