Alors que sur le continent, le secteur des transports recherche des alternatives à la voiture individuelle pour alléger le trafic routier, Raynald Ballo montre le chemin efficace à suivre. A moins de 30 ans, ce jeune béninois vivant en France et à qui l’on doit l’application mobile RMobility est plein d’énergie qu’il met au service du développement durable.
Discret, Raynald Ballo est pourtant un révolutionnaire dans les transports associés au numérique. Depuis deux ans, il prêche avec éloquence et intelligence le covoiturage, un état d’esprit de partage dans le monde des déplacements. «Pratiquer le covoiturage, c’est mutualiser les déplacements en partageant les frais entre passagers et conducteurs en toute sécurité», tente-t-il de nous convaincre. Avec la flambée des prix des transports entre deux crises, celle de la Covid-19 et la guerre en Ukraine, le concepteur de RMobility y voit l’occasion d’inciter les populations à une forte solidarité, entre individus, pendant les déplacements occasionnels ou réguliers. «Les passagers recherchent aujourd’hui des solutions plus simples pour se déplacer, à moindre coût, dans le confort et en toute sécurité. Tandis que les conducteurs recherchent des passagers avec lesquels partager les frais de leurs déplacements tout en limitant l’empreinte carbone. C’est alors que nous avons pensé à RMobility qui est une solution digitale collaborative regroupant tous les modes de transports à savoir la moto, la voiture, les taxis-intercités et les bus », confie-t-il. Le développement de la plateforme RMobility est le fruit de plusieurs années d’études depuis l’Université de Parakou à celle de Bordeaux. «Nos travaux scientifiques sur les problématiques de transports nous ont conforté sur l’option du covoiturage comme alternative à la voiture individuelle car lors de nos enquêtes, plusieurs sujets ont exprimé ce besoin à Cotonou et à Parakou », dit-il.
Transporteur d’idées
De l’idée, le jeune entrepreneur est très vite passé à l’action. Avec son équipe, il a conçu l’application mobile RMobility disponible sur tous les stores pour créer une société mobile de confiance, une communauté de partages regroupant les conducteurs et les usagers de la route qui se déplacent au quotidien. « C’est vraiment une sorte de moteur de recherche des transports au Bénin et en Afrique de l’Ouest », soutient-il. C’est un peu comme, dit-il fièrement, BlaBlaCar, un réseau fondé sur une communauté de plus de 100 millions de membres, qui partagent des trajets en covoiturage et en bus dans 22 pays. Et même si le jeune Ballo n’en est pas à ces chiffres, il croit être sur le boulevard de ses rêves. « Nous avons lancé RMobility en avril 2021 à l’Université d’Abomey-Calavi. En un an, nous sommes passés à plus de 10 000 utilisateurs, venant des pays de la sous-région, notamment du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali, du Togo, et même du Tchad. Pourtant, nous avions concentré nos efforts de communication sur Cotonou», se réjouit le spécialiste en transports et mobilités durables.
Destinée !
Raynald Ballo ne fait en réalité que suivre le chemin à lui tracé par le destin en mettant le numérique au service de l’humain et de l’Environnement. « Mes parents avaient une compagnie de transport qui faisait Cotonou-Parakou-Malanville. J’ai eu l’occasion de gérer cette entreprise familiale pendant quelque temps. C’est un moment très important de ma vie, une expérience qui a influencé mon orientation dans le monde professionnel», souffle-t-il. Ainsi, avant d’être l’apôtre du covoiturage et un scientifique sur la question des mobilités, Raynald était tout sauf un novice du milieu. C’est avec aisance qu’il expose les tares du secteur au Bénin et en Afrique de l’Ouest. Il a connu aussi ces conditions précaires de déplacements des usagers, la brutalité des racoleurs, les énormes pertes de temps, les tarifs sans cesse fluctuants, les embouteillages, la surcharge de passagers, la pollution et surtout l’insécurité avec les taxis clandestins. De là, Raynald se lance dans la science des transports. Le succès qu’ont connu ses travaux de recherche à Parakou a été un déclic. «Les résultats ont favorisé par exemple la construction d’un parc pour les compagnies de transport dans la ville. Si on peut contribuer ainsi à changer les choses dans la cité, je ne devrais que poursuivre sur ce chemin », dit-il. Voilà pourquoi, même de l’Hexagone où il se trouve, ce jeune Béninois a à cœur l’Afrique. « L’une des raisons pour lesquelles j’ai quitté l’Afrique pour l’Europe, c’est de m’inspirer de mon expérience professionnelle et des grandes réussites telles que Blablacar pour construire une solution africaine de mobilités partagées fondée sur la grande tradition de partage dans la culture africaine afin de contribuer à l’amélioration des conditions de transports», ajoute-t-il. La passion et la formation de base ont poussé Raynald à la quête d’une expertise qu’il construit si bien, à travers les consultations en Afrique et en Europe.
« Tous solidaires »
Mais sa mission première, il ne l’oublie jamais. Briser les égos, créer la confiance autour du covoiturage et le faire entrer dans les habitudes des Africains, c’est son combat. « Chez nous, quand vous laissez votre véhicule pour covoiturer avec quelqu’un d’autre, on vous dit que vous avez tout perdu. Ce n’est dans l’intérêt de personne de continuer à vivre en autarcie. Ce n’est pas non plus dans l’intérêt des pouvoirs publics qu’on continue de cette façon, au point de perdre près de 45 milliards Cfa dû aux pertes de temps et de productivité, aux bouchons qu’on observe au quotidien pendant que la voiture individuelle peut se substituer efficacement aux transports publics inexistants…», déplore Raynald. Pour que la solidarité prenne le pas sur l’individualisme en circulation, il faudra garantir la sécurité des usagers et mettre fin au sentiment de méfiance. «Ils se disent qu’ils se déplacent avec des inconnus alors que la plateforme analyse chaque profil sur la base des pièces officielles fournies obligatoirement avant une mise en relation. On a aussi vécu cette phase en France. Mais, aujourd’hui c’est du passé. Il faut donc beaucoup de pédagogie pour faire comprendre qu’avec la formalisation des déplacements, ils sont plus en sécurité, surtout en termes de responsabilité civile du conducteur incluse dans son assurance automobile. », explique-t-il.
Ecolo !
Sur la plateforme, les passagers remplissent le formulaire en fournissant leur pièce d’identité qui sera validée avant qu’ils ne puissent interagir avec un conducteur. Les conducteurs aussi font de même et renseignent les informations nécessaires sur leurs moyens de déplacement. C’est à partir de ce moment qu’ils peuvent publier leurs trajets. Dans un contexte de changements climatiques, adossé à d’autres défis urbains, la parade est aussi toute trouvée. «Nous devons réduire notre empreinte carbone pendant nos déplacements. Parce qu’en moyenne, un véhicule émet 2 tonnes de Co2 par an en faisant simplement le trajet Abomey-Calavi – Cotonou. Aussi, alors que tout devient cher et que le budget de transport dans une famille béninoise fait au minimum 30 à 40 % du budget total, des gens vont seuls à bord de leurs voitures. Cet état de choses est regrettable et devrait impérativement faire l’objet d’un projet de loi. Mettons de côté nos égos », insiste-t-il. Parce que, croit Raynald Ballo, l’écolo, « Nous n’avons pas une planète B comme refuge, soyons tous solidaires ».