Publié le 22 avril 2025
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Le chef des catholiques se mettant péniblement à genoux pour embrasser les pieds des deux rivaux politiques du Soudan du Sud, plus jeune pays du monde, né des cendres de décennies de guerre civile entre le gouvernement central et les séparatistes du Sud. Cette image, rare et à la symbolique forte, c’est celle du Pape François le 11 avril 2019, lorsqu’il avait baisé les pieds du président du Sud-Soudan, Salva Kiir, et de son principal opposant Riek Machar, à la Maison Sainte-Marthe, au Vatican.
Un geste rappelant la Cène, dernier repas lors duquel Jésus avait lavé les pieds de ses apôtres, et qui représentait alors un appel du souverain pontife à favoriser la paix dans le pays, et à gouverner ensemble. Durant les deux jours de visite des leaders sud-soudanais, le Pape leur avait en effet demandé de « rester dans la paix », « comme frères », relayait à l’époque Vatican News.
« Cette image forte ne peut se comprendre que dans le climat de pardon réciproque qui a caractérisé ces deux journées de retraite. Non pas un sommet politico-diplomatique, mais une expérience de prière et de réflexion commune entre leaders, qui, tout en ayant signé un accord de paix, ont du mal à faire en sorte qu’il soit respecté », écrivait le média officiel du Vatican. La guerre civile qui avait opposé les deux ténors de la politique durant cinq ans avait fait des millions de déplacés, et près de 400 000 morts.
Discours marquant
Comme le relayait l’Observatore Romano en 2023, l’Afrique est le continent où le nombre de catholiques croît le plus, au rythme de 3,1 %, contre 1,01 % pour l’Amérique, ou 0,99 % pour l’Asie par exemple. Le nombre de prêtres africains est lui aussi en augmentation. En 2022, les chiffres du Vatican faisaient état de 272 millions de catholiques en Afrique. Si aucun Pape originaire d’Afrique n’a encore été choisi dans l’Histoire, le Pape François, premier chef de l’Église venu de l’hémisphère sud, a poussé l’institution à se tourner vers les pays nés de la décolonisation.
Une position qui semble lui avoir permis d’obtenir les faveurs de nombreux catholiques comme Rosemary Muthui, Kenyane fréquentant la basilique de la Sainte-Famille, à Nairobi et interrogée par la BBC. « Son amour pour l’Église africaine était grand, et il nous manquera », assure celle qui a rencontré le Pape lors de sa visite au Kenya il y a dix ans.
Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin !
Parmi les États africains visités, la RDC où François s’était rendu début 2023. Son discours en lien avec les violences dans l’est du pays avait marqué : « Retirez vos mains de la République démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! », avait-il lancé au Stade des Martyrs à Kinshasa. « Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup. Il faut que l’on sache ce qui se passe ici ». Une intervention dont se souvient encore aujourd’hui la presse congolaise.
Vers une reprise de la guerre ?
La situation ne s’est guère améliorée dans l’est de la RDC, avec la prise ces derniers mois de Goma et de Bukavu par le M23. Et au Soudan du Sud, malgré le geste du Pape en 2019, les rumeurs d’une reprise de la guerre se font désormais de plus en plus fortes. Pourtant, le souverain pontife avait tenu à se rendre dans le tout jeune pays en 2023, lors de ce « pèlerinage de la paix » qui l’avait aussi mené à Kinshasa. Durant une messe qui avait rassemblé 100 000 personnes à Juba, la capitale, il avait exhorté les sud-soudanais à rejeter la « fureur aveugle de la violence », visant en particulier les dirigeants, et peinant à cacher son impatience.
Un appel appuyé en faveur d’une résolution du conflit, qui semble aujourd’hui ne pas avoir porté ses fruits. Le 26 mars dernier, les forces de sécurité du président Salva Kiir ont arrêté celui qui était devenu vice-président en vertu de l’accord de partage du pouvoir, Riek Machar. Dans la foulée, le parti d’opposition de Machar, le SPLM-IO, a annoncé que l’arrestation de son dirigeant mettait fin, à ses yeux, à l’accord de paix qui avait été signé en 2018.
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Plusieurs régions sont aujourd’hui le terrain d’affrontements entre les forces armées sud-soudanaises et l’Armée blanche, milice accusée par le pouvoir de collaborer avec Riek Machar. « Si la crise politique n’est pas évitée, le cauchemar humanitaire va devenir une réalité très rapidement », avait ainsi mis en garde l’ONU mi-avril.
Une situation que le Pape François, malgré son hospitalisation et sa santé très faible ces dernières semaines, suivait attentivement. Dans un texte publié par le Vatican le 30 mars, Jorge Mario Bergoglio avait une dernière fois exhorté le président du Soudan du Sud et les autres leaders à faire « tout leur possible pour faire baisser la tension dans le pays ».