L’interdiction de la tontine ‘’Adogbè’’ au Bénin a eu des effets significatifs, favorables à l’assainissement du secteur. L’Agence nationale de surveillance des systèmes financiers décentralisés (Anssfd) a fait l’état des lieux, vendredi 2 décembre 2022 à Cotonou.
Ancrée dans les mœurs, la tontine ‘’Adogbè’’ n’a pas complètement disparu. Les indicateurs dévoilés lors de l’atelier de sensibilisation organisé, vendredi dernier, par l’Agence nationale de surveillance des systèmes financiers décentralisés (Anssfd) donnent un aperçu, neuf mois après l’interdiction. Les études menées couvrent six mois en 2021 et six mois en 2022. Elles ont révélé une tendance baissière. 8,389 milliards F Cfa auraient été mobilisés en six mois en 2021. Après l’arrêté, le montant estimé est passé à 1,5 milliard F Cfa en 2022. « L’activité de Adogbè a baissé de 81 % entre 2021 et 2022 suite à l’arrêté d’interdiction. Les ressources mobilisées ne sont pas dues à la persistance dans l’illégalité de ces promoteurs, mais plutôt aux schémas d’adaptation développés par ces derniers », dévoile le consultant Hyacinthe Agossa, lors de l’atelier de sensibilisation sur les activités illégales de collecte de l’épargne publique, notamment la tontine ‘’Adogbè’’.
Cet atelier dont les travaux ont été lancés par Hermann Orou Takou, directeur de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, intervient après l’interdiction de l’activité de collecte illégale de l’épargne publique sous la forme de tontine dite ‘’Adogbè’’. En effet, l’activité a été souvent menée par des acteurs peu formés, non reconnus par la loi, et exerçant en marge de la réglementation. C’est ainsi que face aux plaintes enregistrées, un arrêté interministériel a décidé le 4 mars 2022 de son interdiction.
« Neuf mois après, il est important de s’arrêter pour faire le point. L’atelier vise un triple objectif, faire l’état des lieux après l’interdiction, sensibiliser les populations sur les risques de résurgence en cette veille de fêtes de fin d’année et mener des réflexions sur la formalisation des acteurs », a déclaré Abdou Rafiou Bello, directeur général de l’Anssfd. La première communication présentée au cours de l’atelier a permis de rappeler les fondements de la décision et de présenter le cadre légal d’exercice des activités de collecte de crédit et d’épargne. La seconde a dévoilé la situation concrète sur le terrain depuis la décision d’interdiction.
En mode discret
L’état des lieux montre aussi une baisse drastique de la clientèle. Selon les extrapolations, la clientèle est passée de 1 717 135 en 2021 à 738 835 en 2022. Si les activités ont chuté, ‘’Adogbè’’ n’a pas totalement disparu.
« Ces variations dans l’ensemble confirment la tendance d’un exercice plus discret de l’activité dite Adogbè. Elles montrent aussi le changement possible de stratégies utilisées », renseigne Hyacinthe Agossa. Les acteurs ne parlent plus de ‘’Adogbè’’, mais de vente de biens pour lesquels les clients sont appelés à cotiser. A la fin, les produits sont livrés quand les deux parties se rendent compte que les ressources mobilisées ont suffi pour l’achat du bien. Les modes de collecte ont aussi changé. « Le recours au transfert électronique d’argent permet de continuer la mobilisation des ressources, sans grande difficulté », souligne le consultant. Certains déposent par la suite les ressources collectées auprès des systèmes financiers développés ou dans les banques. Des possibilités de collaboration avec les Sfd devront être étudiées. Selon Abdou Rafiou Bello, les actions d’assainissement du secteur seront renforcées pour détecter les structures qui opèrent en marge de la règlementation.
« Quiconque sera pris en situation d’exercice illégal d’une activité de collecte de l’épargne publique ou d’octroi de crédit subira la rigueur de la loi », prévient le directeur général de l’Anssfd.
Perspectives
Regroupés en mars 2022 en patronat des acheteurs d’aide de proximité (Paap), les ex-promoteurs cherchent à se conformer à la réglementation en vigueur. « Nul n’est censé ignorer la loi. Nous nous sommes regroupés pour demander à l’État à être outillés pour nous mettre dans les rangs », confie Tiburce Konto, président des ex-promoteurs de la tontine ‘’Adogbè’’, en marge de l’atelier. Pour obtenir l’agrément, il faut constituer un dossier de demande d’agrément et le déposer auprès de l’Anssfd. Il faudra doter la structure en création de sa personnalité morale. Les ex-promoteurs y travaillent. « Nous avons créé notre propre société. Nous sommes en pourparlers avec des institutions qui nous forment. Nous sommes aussi en train de nous formaliser en Sfd. Mais il faut souligner que nos activités n’ont pas les mêmes dimensions que les Sfd. Nous sommes dans des réalités autres que les Sfd », affirme Tiburce Konto. Celui-ci plaide pour la contextualisation de ‘’Adogbè’’. « Nous plaidons pour qu’une loi soit votée pour encadrer cette activité, non pas en tant que Sfd, mais en qualité de Adogbè. Le Bénin fait partie des génies et Adogbè est copié ailleurs déjà », déclare le président des ex-promoteurs de ladite tontine pour qui ‘’Adogbè’’ ne doit pas disparaître.
« Que l’Etat nous remette sur les rails avec plus de cadrage »,
conclut-il. Dans tous les cas, en attendant, en cette veille de fêtes de fin d’année, période propice à l’escroquerie, les populations sont appelées à la vigilance.