La célèbre maxime selon laquelle « pour une mission, il faut un homme et des moyens » semble connaître une mutation sous le régime de la Rupture au Bénin. Elle s’adapte désormais en « plusieurs missions, un homme et des moyens », au gré des nominations en intérim ou en cumul de fonctions.
Un exemple emblématique illustre cette tendance : par décret n°2024-819 du 28 février 2024, Moubarak Soumanou a été nommé Directeur Général de l’Agence de Promotion des Investissements et des Exportations, tout en conservant ses fonctions de Directeur Général de l’Attractivité et de la Diplomatie Économique au Ministère des Affaires étrangères. Plus d’un an après, ce cadre, dont le talent semble incommensurable, continue d’exercer ses deux responsabilités sans que cela ne suscite de remise en question.
Et il est loin d’être un cas isolé. L’administration Talon semble fonctionner sous le règne du cumul et des intérims prolongés. Il a d’ailleurs été remplacé à la tête de l’Agence de promotion des investissements et des exportations (APIEx) par Sindé Gilles Chekete qui, lui aussi, cumule cette fonction avec celle de Directeur général de l’Agence Bénin Tourisme « chargée du développement de l’industrie touristique et de la promotion de la destination Bénin sur tous les marchés ».
Des Ministres et hauts cadres à cheval entre plusieurs fonctions
Véronique Tognifodé, Ministre des Affaires sociales, gère également le Ministère de l’Enseignement secondaire et de la Formation technique et professionnelle depuis le décès tragique de son collègue. Alors que Kokou Lanan William Karmen Kodjoh-Kpakpassou, Secrétaire général adjoint du Conseil supérieur de la Magistrature, occupe simultanément le poste de présidente de la Cour d’Appel de Commerce.
Sans compter que Cyrille Gougbédji, membre de la Délégation à l’éthique et au contrôle dans l’enseignement supérieur, est également deuxième Secrétaire général adjoint du Gouvernement. Et Angela Aquereburu Rabatel cumule les fonctions de Directrice de Bénin TV et Directrice générale de la SRTB, ex-ORTB.
Nommé par le décret numéro 2017-585 du 13 décembre 2017 au poste de Directeur général de l’Agence nationale d’approvisionnement en eau potable en milieu rural, Sylvain Adokpo Migan a officiellement pris service le vendredi 24 juin 2022 comme Directeur général de la Société nationale des eaux du Bénin (Soneb) par intérim sans être déchargé de ses responsabilités de Dg de l’Agence nationale d’approvisionnement en eau potable en milieu rural.
Le Cas Houssou : Symbole du Cumul à Outrance ?
S’il y a bien un cadre dont la polyvalence défie les normes administratives, c’est Moïse Achille Houssou. En plus d’être Directeur général de Simeau SA et de son rôle au Bureau d’Analyse et d’Investigation (BAI), il est aussi officiellement à la tête de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et du développement touristique (Antp), dont le recrutement d’un Directeur général n’a été lancé qu’en février 2025 !
Comme si cela ne suffisait pas, il préside plusieurs conseils d’administration de structures publiques stratégiques, dont la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee).
Une Gouvernance sous tension
Le phénomène du cumul de postes et des intérims prolongés pose plusieurs questions :
* Le Bénin manque-t-il de cadres compétents pour occuper ces fonctions de manière distincte ?
* Ces nominations ne favorisent-elles pas une concentration excessive du pouvoir entre les mains de quelques individus ?
* Quel impact sur l’efficacité de l’administration et la bonne gouvernance ?
Si certains cas peuvent être justifiés par des nécessités temporaires, la multiplication de ces situations interroge sur la gestion des ressources humaines de l’État.
Et lorsque ce système atteint les postes stratégiques, comme celui de la Directrice générale des Douanes, qui cumule avec une fonction au sein du cabinet du Ministre de tutelle, il soulève aussi la question des conflits d’intérêts.
Une chose est sûre, sous le régime de la Rupture, la polyvalence administrative semble être devenue une norme, au risque de fragiliser la séparation des pouvoirs et l’efficacité de l’action publique.
Votre journal, n’a pas la prétention d’avoir réussi à dénicher au cours de son enquête, tous les cas de cumul prolongés de fonctions ou d’intérim. Alors nous restons ouverts aux contributions de nos fidèles lecteurs qui voudraient partager avec nous des cas dont ils ont connaissance ou même des actes réglementaires régissant au Bénin ces régimes exceptionnels de management de l’administration publique.
M.M