Chargé de mission aux Arts et à la culture du Président Patrice Talon, José Pliya, est décédé à l’âge de 58 ans. Son décès qui est survenu le samedi 12 avril 2025 aux Etats-Unis à Miami, a attristé le monde culturel. C’est le cas de l’écrivain Florent Raoul Couao-Zotti qui lui a rendu hommage à travers le texte ci-dessous.
Cher José PLIYA
Se dire que tu t’es fondu, à l’aube de ce 13 avril, dans les ombres anonymes de l’éternité. Se convaincre que tu as tourné la page, que nos odeurs ne se croiseront plus, que nos mains – jadis serrées lors de rencontres furtives ou prolongées – ne se rejoindront plus jamais. Se dire que, sur les routes des hommes, ton rire n’éveillera plus le mien… J’ai mal à tous mes sens. J’ai mal partout, cher José. J’ai mal.
Te souviens-tu ? Nous nous sommes connus à Cotonou, aux cours primaires de Gbegamey Nord, groupe A, en 1975. Ton frère Michel était plus ami à moi et à mon cousin Timothée. Lui, Timothée, avait la corvée périodique de ta mère, directrice du groupe A. Il avait l’obligation de transporter de l’école à la maison, sise à quelques mètres, la caisse scolaire où étaient rangés cahiers et copies d’élèves pour les corrections des devoirs.
Au CEG Gbegamey où nous étions admis à trois ans d’intervalle, cher José, nos chemins se sont séparés. Mais un jour de 1998, alors que je suivais ton parcours de dramaturge sur RFI avec la précieuse Sophie Ekoué, j’ai reçu une très longue lettre de toi, me félicitant de la parution de Notre pain de chaque nuit, mon premier roman. Je garde encore, ému, les souvenirs de cette attention. À partir de là, nos routes se sont retrouvées.
Créateurs, nous habitions les mêmes territoires du rêve, nourrissions l’imaginaire de nos lecteurs autant que celui du public des dramaturgies. Je me disais que le nom Jean Pliya avait une continuité avec José. Konda le Roquet, pièce pied de nez à Kondo le Requin m’avait beaucoup amusé. Et que dire de Negrerrance, pièce interprétée par la légende Pascal Nzonzi au festival de théâtre francophone en Limousin ?
Nous avons écumé les scènes des littératures dans le monde, cher frère. Et chaque fois que nous nous retrouvions, les mêmes nostalgies des jours passés surtout ceux de nos enfances scolaires, hantaient nos conversations.
Puis, tu es revenu au pays, faisant une halte pour répondre à l’appel du service public, assumant des charges politiques. Et quelques années après, je te rejoignais à une autre échelle. Nous voilà, complices d’un même destin, liés par l’amour de notre patrie. Le rêve semé dans nos créations littéraires et artistiques nous tendait la main : “Façonnez-moi, disaient ces songes, et vous en ferez une force au service de tous”. Mais tu n’as pas pu aller jusqu’au bout de la traversée…
Et me voici à dire mes larmes impuissantes face à l’ennemi de la vie. Me voici à feuilleter les pages des drames passés des amis et parents enlevés à notre affection. Comment et pourquoi meurt-on alors qu’on est dans la force de l’âge ? Pourquoi doit-on partir lorsqu’on dispose encore dans nos bras, dans nos jambes l’élan qui porte les charges essentielles ? Certes, on n’a plus la force d’aller arracher les étoiles au ciel, mais on a acquis l’expérience d’éveiller les frissons qui donnent envie de séduire la lune. Et c’est déjà ça, de séduire la voûte céleste.
Comme dit le poète ” gémir, pleurer, prier, c’est également lâche”.
Cher frère José. Nous n’avons qu’un seul destin, celui de vivre et de mourir. Tu viens d’accomplir le tien. Puissions-nous, pauvres mortels, en relever la lumière pour éclairer les générations actuelles et futures.
Merci frère d’avoir été là.