Le président du parti Le Libéral était hier, mercredi 7 mai 2025, l’invité de Canal 3 Bénin. Avec son récépissé provisoire en poche, Richard Boni Ouorou s’est exprimé sur les sujets d’actualité. La vision de sa formation politique, son idéologie, sa position sur les grands sujets ont été passées au peigne fin par les journalistes Eric Guédénon et Franck Ahounou. Richard Boni Ouorou a confirmé que le parti Le Libéral sera au rendez-vous des échéances électorales de 2026. Voici les réponses sur quelques sujets abordés.
Récépissé provisoire
Notre pays fait face à une crise de confiance qui engendre des suspicions permanentes. Notre parti politique a commencé à se constituer depuis 2024. Nous avons déposé régulièrement nos dossiers auprès du Ministère de l’intérieur. Chaque deux mois, nous recevions toutes formes d’observations jusqu’à ce qu’au début de l’année 2025, nous avons décidé de rédiger, en répondant à une observation qui nous demandait de mettre à jour des casiers judiciaires, nous avons écrit au Ministère de l’intérieur pour dire vous avez gardé par dévêt vous des casiers judiciaires qui sont expirés et vous nous demandez de les remplacer. Nous avons demandé une audience afin de nous enquérir des vrais problèmes du dossier. Ce jour, la situation a été décantée. La seule chose qui nous était finalement reprochée, c’est la non tenue d’un congrès en bonne et due forme. Nous avons fait un premier congrès avec nos membres un peu partout par visioconférence. Le second devrait se tenir au Palais des congrès, mais ça a été refusé. Nous avons demandé alors une autorisation pour faire le congrès. Ils nous ont dit si vous suivez les règles, nous allons vous accompagner. Effectivement, nous avons fait le congrès et reçu notre récépissé. Nous sommes passés par plusieurs étapes. Mais nous ne voulions pas nous victimiser. Les conditions désormais pour avoir un récépissé sont assez corsées. Vous devez passer par plusieurs filtres pour qu’on jauge vraiment de votre état de responsabilité et de votre besoin d’exister dans le paysage politique. Si vous abandonnez, c’est votre problème. Parlant de démocratie, je pense qu’il ne devrait pas avoir de réforme pour étouffer l’expression populaire. Mais je pense aussi qu’il ne peut pas avoir d’expression populaire qui ne soit pas assez encadrée pour éviter les dérives. Je pense qu’on doit corser davantage l’obtention de quitus pour les partis politiques. Nous avons vécu une époque au Bénin où dans chaque rue il y avait un parti politique, des personnes au chômage créaient un parti politique, vociféraient deux ou trois fois et on leur donnait un marché ou un titre politique et elles ralliaient et faisaient des marches. Ça faisait un peu désordre. Aujourd’hui, la question est en train de se structurer avec beaucoup de faiblesse évidemment, mais il faut accompagner cela.
Définition du concept de libéralisme
Le libéralisme que nous prônons aujourd’hui est un libéraliste équilibré, c’est-à-dire un libéralisme qui est adapté à nos réalités politiques. Cela veut dire un marché ou une économie ouverte mais suffisamment protégée pour éviter que notre économie ne s’expose, des libertés garanties mais encadrées et structurées, un Etat facilitateur mais juste et stratège, parce que nous pensons que l’Etat, s’il n’est pas stratège il ne peut pas arriver à réguler la société pour que chacun puisse en tirer profit. Je n’ai aucune prétention d’importer un concept occidental dans notre sphère politique. Je parle de libéralisme adapté à nos réalités parce que le libéralisme n’a pas plusieurs visages. La démocratie est un système libéral. Donc le libéralisme ne date pas d’aujourd’hui. C’est parce que les Béninois n’en connaissent pas réellement les fondamentaux ainsi que tout ce qu’il faut pour y aller.
En quoi le parti Le Libéral se distingue des autres formations politiques ?
Si vous avez suivi mon parcours personnel depuis 2017-2018, vous auriez compris que nous n’avons pas grand-chose à avoir avec les partis actuels parce que nous prônons un débat. La politique aujourd’hui est faisandée dans notre pays. Le débat est polarisé. Il s’articule uniquement autour des questions électorales. Les populations sont tenues en marge du débat politique. Ce qui préoccupe aujourd’hui, c’est comment faire pour que l’élite en place se remplace à la tête de l’Etat et intégre les institutions. Nous pensons que l’intérêt de la nation, de sa jeunesse qui constitue la majorité et qui, si elle n’est pas exploitée, peut être une bombe à retardement. Nous considérons que le débat doit s’articuler autour des questions prioritaires d’économie parce que la démocratie est le système politique le plus cher au monde. Il faut payer les institutions, mettre en place un Etat providence, accompagner les investisseurs, un Etat qui puisse investir dans l’économie pour faire émerger des possibilités. Il faut animer ces débats. Mais malheureusement, nous remarquons que nos politiciens et même des journalistes sont devenus des experts des questions constitutionnelles et les vraies questions de développement sont mises en périphérie. Nous ne sommes pas venus accompagner les autres dans leur guerre. Nous sommes venus apporter un débat sérieux sur l’échiquier politique.
Les priorités du parti Le Libéral
Première priorité, c’est d’engager un débat sur la question économique et par extension sur la question de l’emploi. Comment nous concevons l’emploi dans notre pays. Il est temps que l’emploi cesse d’être une question pour être une solution. Comment est-ce que l’Etat crée de l’emploi mais protège aussi l’emploi. Nous voulons avoir un Etat protecteur. Et ça passe aussi sur des questions économiques. Quelle orientation nous donnons à notre économie. Bien évidemment, Patrice Talon a fait un petit bout ces dernières années. On ne peut pas lui dénier cela. Notre pays est devenu attractif pour les emprunts, la dette.
Positionnement sur l’échiquier politique
Il y a le clivage Yayi-Talon qui rend difficile l’accès à toute personne portant une forme de neutralité sur l’échiquier politique. On nous demande, soit vous êtes avec Talon, soit vous êtes avec Yayi. Quand vous dites nous sommes des Béninois et politiciens responsables, on dit non vous devez dire où est ce que vous êtes. Le parti Le Libéral n’aura aucun lien avec un parti de l’Opposition, en l’occurrence le parti Les Démocrates. C’est clair et net. Surtout quand on voit la scène qui s’est passée ce week-end où un parti qui manque à son devoir, celui de mettre sur la table des débats, de mener des actions concrètes pour exister, ils vont commander une messe pour prendre en otage la religion et manipuler les masses pour servir une seule personne, Yayi Boni, pour qui la position victimaire est devenue la meilleure stratégie. Il y a une forme d’hypocrisie en politique au Bénin qui veut qu’on maquille la vérité. Moi je n’ai pas cette habitude. Pendant les 10 ans de Yayi, qu’est-ce qu’on a fait ? on a manipulé les populations, marché dans les rues pour qu’après quelqu’un se pose en victime. On a dit je vais faire venir des gens du Bénin profond en nous exposant, nous qui sommes du Nord, en mettant dans la tête des gens que c’est le Nord qui est privilégié. Mais pendant ce temps, c’est Patrice Talon qui est milliardaire, c’est Ajavon qui est milliardaire. Après 10 ans, c’est rebelotte. On a sacrifié des jeunes gens. Aujourd’hui, il y en a plusieurs qui sont en prison. Qu’est-ce qu’ils deviennent ? Je ne donne pas un blanc seing à Patrice Talon pour ce qui s’est passé en 2019 mais si on avait laissé ces jeunes aller au bout, ils auraient pris le pouvoir par la rue. Il y a un Etat de fait. Avant 2019, Patrice Talon n’avait pas entamé toutes ces réformes crisogènes. C’était seulement la révision de la Constitution avec un mandat unique, etc. Il y avait beaucoup de marches qui passaient mais les slogans étaient déshonorants pour notre pays. La démocratie, c’est la responsabilité et l’opinion doit être responsable.
Reckya Madougou
Je fais partie des premières personnes, à l’époque, à faire rédiger une demande de liberté provisoire par un notaire que j’ai envoyée à plus de 2000 citoyens au Bénin. J’étais encore au Canada. Ces citoyens ont signé cette demande, ils ont joint leurs cartes d’identité, nous les avons compilées et déposées au Ministère de la justice, au Palais de la République et au Tribunal pour demander la mise en liberté provisoire de Reckya Madougou. Je suis friand des procédures. Je ne suis pas dans la haine. Je suis dans la responsabilité. Je ne pense pas qu’aller à l’église pour une messe d’action de grâce fera sortir Reckya Madougou de prison. Ça sert plutôt les intérêts politiques d’un clan. Je ne suis même pas sûr que Les Démocrates veulent que Reckya Madougou et Joël Aïvo sortent de prison. Dès que Reckya Madougou sort de prison aujourd’hui, le parti Les Démocrates va s’imploser parce que Reckya prendra le contrôle du parti et une partie va la suivre.
2026, Le Libéral sera-t-il au rendez-vous ?
Quand on crée un parti politique, c’est pourquoi ? c’est pour affronter le vote populaire et intégrer les institutions. C’est notre rôle. Nous serons à toutes les élections. Richard Boni Ouorou sera candidat si le parti décide. Le parti ce n’est pas moi. Ce sont tous les sympathisants, le bureau politique. Je ne peux pas passer au-dessus et dire je suis candidat. Je suis président du parti mais je ne suis pas encore candidat du parti.
Calendrier électoral
S’il y a quelque chose que nous pouvons reprocher à Patrice Talon, c’est le fait d’avoir vicié l’espace politique jusqu’à ce que les acteurs n’ont plus le courage de dire leur volonté mais aussi d’aller au-devant de leurs ambitions. Je pense que c’est une mauvaise gouvernance. Il ne faudrait pas que l’opinion soit conservée jusqu’à exploser. Ce n’est pas une bonne chose. Il faut que les gens soient libres de porter leurs ambitions, dire être candidat, c’est la chose la plus naturelle dans un pays tant qu’on est régulier. La loi ne dit pas que c’est uniquement au sein des partis qu’il peut avoir des candidats. Il peut avoir des candidats libres pour l’élection présidentielle. Mais jusque-là il n’y a aucun candidat libre, en dehors des candidats périphériques qui ont le courage de dire je veux y aller. C’est une faiblesse pour notre démocratie.
Transcription B.H