Les océans représentent un enjeu essentiel à l’échelle planétaire. Dr Zacharie Sohou, directeur de l’Institut de recherches halieutiques et océanologiques du Bénin, rappelle les fonctions de ces vastes étendues d’eau et l’importance de les préserver.
Qu’est-ce que cela représente pour un pays d’avoir l’océan à ses pieds, comme c’est le cas du Bénin ?
Zacharie Sohou : C’est une chance inouïe pour notre pays parce que l’océan est l’avenir de notre planète de par les richesses et les services écosystémiques qu’il nous procure. Couvrant plus de 70 % de la surface du globe, l’océan mondial est un écosystème complexe qui fournit des services essentiels au maintien de la vie sur la Terre. C’est un secret de polichinelle qu’une grande partie de notre économie provient du secteur portuaire. 90 % des marchandises du commerce international circulent par voie maritime et des volumes impressionnants de marchandises transitent par l’océan Atlantique pour atterrir au port de Cotonou. Le Bénin joue un rôle très important au profit des pays de l’hinterland de ce point de vue.
Vous devez savoir aussi que plus de 90 % des ressources halieutiques proviennent de la mer et que l’océan est un régulateur du climat. Chaque être humain dépend de la mer, même s’il vit loin à l’intérieur des terres. L’océan joue un rôle dans l’équilibre social, économique et environnemental de tous les pays du monde. Grâce à la présence des végétaux marins, l’océan libère plus d’oxygène dans l’atmosphère que toutes les forêts du monde. Plus de 50 % de l’oxygène que nous respirons sur terre provient de l’océan.
Les océans régulent l’équilibre climatique de la Terre, ils absorbent la chaleur et la restituent sur toute la planète grâce aux courants et à leur interaction avec l’atmosphère. Ils absorbent également les gaz et de grandes quantités de Co2. Ce qui veut dire que les océans nous débarrassent des impuretés de l’air.
Le rôle de l’océan pour l’humanité est donc évident. Mais faut-il s’inquiéter des impacts des agissements humains sur la mer ?
On doit se préoccuper de la santé des océans. On n’a pas fini d’explorer ces immenses étendues d’eau. Il y a de grands fonds marins qui ne sont pas encore explorés pour apprécier l’immense potentialité de l’océan. Il est vrai qu’on sait de par les études, les potentialités par exemple en termes de ressources halieutiques dont nous tirons profit, mais il y a de nombreuses espèces à découvrir.
Malheureusement, du fait de la surpêche, nous sommes en train d’appauvrir la zone côtière. Il faut donc pousser les recherches plus loin pour pouvoir suppléer au manque de protéines animales dont les poissons. Il est à souligner que les conséquences des pressions anthropiques sont énormes sur les océans. A cause des déchets surtout plastiques que nous rejetons dans l’océan, nous pouvons manquer de ressources. Quand les sachets rentrent dans l’eau, ils se présentent sous forme de méduses que les tortues consomment.
Cela va conduire à l’extinction de la population des tortues.
De même, si les poissons pondent dans des sachets, il n’y aura pas l’éclosion. Ça veut dire qu’il faut qu’on débarrasse les océans des déchets plastiques et les préserver.
Au-delà des efforts de recherche pour tirer la sonnette d’alarme, que faut-il faire d’autre?
Il faut conscientiser les jeunes. Et c’est ce que l’Institut de recherches halieutiques et océanologiques du Bénin a commencé à faire. Nous faisons des descentes dans les écoles pour sensibiliser à l’importance de l’océan. Aujourd’hui, les constats montrent que les adultes ont du mal à s’approprier les comportements écocitoyens. Il faut alors cibler la jeune génération, en intégrant ces questions dans les curricula pour avoir des résultats probants.
C’est ce qui se fait actuellement au lycée Coulibaly de Cotonou où nous mettons les apprenants au cœur de la science des océans. Nous nous sommes déjà rendus plusieurs fois sur les plages avec ces élèves pour collecter des déchets plastiques et procéder à des analyses. Ils ont pu se rendre compte de l’effet des déchets sur les ressources aquatiques. Nous sommes aussi allés vers les écoles primaires où le résultat est encore plus captivant.
Ces enfants sont en mesure de conscientiser leurs parents en les forçant à changer les habitudes vis-à-vis de la nature, à partir des messages de sensibilisation. On a compris que c’était important de cibler les enfants. Le collège d’enseignement général d’Avlo, à Grand-Popo, par exemple fait face à l’océan, mais on s’est rendu compte que les apprenants ignorent beaucoup de choses de l’océan. Imaginez alors le besoin dans les écoles qui ne sont pas dans la zone côtière. Le défi est donc de sensibiliser les écoliers et les élèves, avoir leur adhésion pour préserver l’océan de demain.
C’est un travail à faire tous les jours, en plus de plaider pour que cela soit inséré dans les curricula de formation.