La résurgence de la variole du singe depuis quelques mois, surtout en dehors du continent, inquiète. Spécialiste en épidémiologie et en médecine préventive, Dr Horace Degnonvi analyse la menace, fait des clarifications et prodigue quelques conseils.
La Nation : Sommes-nous tous concernés par la variole du singe ?
Dr Horace Degnonvi : D’abord, l’infection à Monkeypox virus communément appelée variole du singe est une maladie infectieuse émergente due à un orthopoxvirus. Il s’agit d’une maladie zoonotique, habituellement transmise à l’Homme par des rongeurs sauvages ou des primates. Toutefois, une transmission interhumaine est également possible, en particulier au sein du foyer familial ou en milieu de soins. Par rapport à votre question, actuellement, les données disponibles nous révèlent que l’épidémie touche essentiellement des hommes, en particulier des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, multipartenaires. Toutefois, le risque de contracter la variole du singe ne se limite pas aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Quiconque a un contact physique étroit avec une personne infectieuse on risque de contracter la maladie. C’est beaucoup plus la proximité entre les personnes et le nombre de contacts étroits qui favorisent la transmission. Mais rassurez-vous, car dans la situation actuelle, le risque de contamination en population générale est évalué comme faible par les experts de l’Oms et de l’Union Européenne.
Qu’est-ce qui justifie cette résurgence, surtout en dehors du continent ?
L’épidémie actuelle, de par son ampleur et sa répartition géographique, pose de nombreuses questions et incite à une certaine prudence ainsi qu’à la mise en place d’études biomédicales rapides afin de comprendre les caractéristiques de ce pathogène. Le fait que la variole du singe se propage aujourd’hui hors du continent africain est probablement à mettre en relation avec différents facteurs en lien avec les activités humaines. C’est le cas du changement climatique et l’exploitation de la forêt tropicale, qui créent une plus grande promiscuité et porosité entre le monde animal et le monde humain, ou des conflits géopolitiques et armés, qui forcent certaines populations à se déplacer en passant par des zones où l’infection est potentiellement présente. L’attention réduite que la communauté scientifique internationale accorde aux problèmes qui touchent les pays à revenu faible et intermédiaire est également problématique. Enfin, la mobilité des populations au niveau local et au niveau international peut favoriser la propagation de certaines maladies infectieuses. La décroissance de l’immunité collective au virus de la variole explique probablement aussi la situation actuelle. Le vaccin contre la variole avait une efficacité importante (environ 85%) contre le virus de la variole du singe. Il conférait une immunité croisée. Mais après l’éradication de la maladie en 1980, la vaccination systématique a été arrêtée. L’expansion actuelle du virus de la variole du singe pourrait traduire le fait que ce virus profite de la niche écologique laissée vacante par le virus de la variole, ce qui expliquerait en partie la résurgence de la variole du singe depuis les années 1990.
Doit-on s’inquiéter aussi chez nous ?
Je ne sais pas à quel niveau vous voulez parler d’inquiétude. L’inquiétude se situerait-elle au niveau de la population générale ou des autorités sanitaires ? Le plus important, c’est ce que le ministère béninois de la Santé a fait une circulaire au mois de juin 2022, invitant tous les soignants à surveiller de près tous les cas suspects de cette maladie puis les directeurs départementaux à notifier immédiatement tous les cas suspects conformément aux définitions de cas selon l’Oms. En étroite collaboration avec différents pays africains, l’Oms aussi soutient les efforts visant à renforcer le diagnostic en laboratoire, la surveillance de la maladie, la préparation et les mesures d’intervention pour enrayer les infections. Et pour terminer, vous les hommes des médias, vous jouez également votre partition en portant l’information nécessaire à la population à la base.
Les risques de contracter la variole du singe ou de développer des symptômes graves de la maladie sont-ils plus élevés si j’ai la Covid-19 ou si je souffre de Covid-19 de longue durée ? Existe-t-il un lien avec les vaccins Covid ?
Ces différentes questions font l’objet de discussions dans la communauté scientifique. À l’heure actuelle, nous ne savons pas encore si le fait d’être atteint de la Covid-19 ou d’une affection post-Covid-19 (Covid-19 de longue durée) rend plus vulnérable à la variole du singe. Il serait judicieux de mener d’autres études sur les patients qui sont ou ont été infectés par le virus à l’origine de la Covid-19 ou de l’affection post-Covid-19 et qui ont à présent contracté la variole du singe. Plusieurs informations circulent sur les médias établissant le lien entre l’utilisation d’un vaccin contre la Covid-19 et l’origine des infections récentes de la variole du singe. Malgré que le vaccin en question contienne un adénovirus de chimpanzé, les données scientifiques disponibles à l’heure actuelle, révèlent que cet adénovirus n’a pas la même forme que celui responsable de la variole du singe. De plus, celui contenu dans le vaccin a été génétiquement modifié et atténué pour ne pas être transmissible à l’Homme.

Dr Horace Degnonvi
Comment se protéger ?
L’information et la réduction des risques sont les outils majeurs de lutte contre ce virus émergent. Premièrement, une meilleure connaissance des symptômes et des modes de transmission. Les symptômes ne sont pas systématiques et varient d’une personne à l’autre. Il n’y a parfois pas de fièvre, parfois très peu de boutons. Il est ainsi important d’inciter à prendre soin de soi et des autres en vérifiant régulièrement son état cutané (y compris la zone génitale) et d’être réactif en cas de symptômes pour aller voir un agent de santé qualifié, en particulier si on fait partie d’un groupe dit à risque (ayant de nombreux partenaires sexuels). Deuxièmement, le safe sex (un autoexamen avant un rapport sexuel) est nécessaire. En l’état actuel de nos connaissances, le préservatif demeure un moyen important de protection, notamment contre les co-infections sexuellement transmissibles, mais en ce qui concerne le virus Monkeypox, il ne peut garantir à lui seul une protection suffisante. Troisièmement, un respect des mesures barrières, comme un lavage des mains assez régulier, est recommandé. Enfin, la vaccination à titre préventif ouverte notamment aux hommes, rapportant des partenaires sexuels multiples, ou ayant des relations sexuelles avec des hommes.
Tout comme la Covid-19, devons-nous appliquer les gestes barrières ?
La situation actuelle est l’occasion de rappeler que l’application des règles habituelles et universelles d’hygiène permet d’éviter beaucoup de maladies, et que les mesures barrières mises en œuvre pour la Covid-19 peuvent limiter le risque de transmission de nombreux agents infectieux. L’usage du masque lorsque l’on est symptomatique (toux, rhinorrhée, fièvre) ou fragile est recommandé. Le lavage régulier des mains à l’eau et au savon est aussi une bonne pratique d’hygiène.