L’usage des sachets plastiques est interdit par la loi au Bénin. Mais la mesure peine à prendre, sauf dans les milieux où un contrôle strict est mis en place, comme à l’Hôpital « La Croix » de Zinvié.
À l’entrée de l’hôpital, les agents de sécurité sont aux aguets. Ils ne recherchent a priori ni arme à feu ni drogue. Un communiqué en date du 13 juin 2022 dévoile l’objet de cette vigilance : « Il est formellement interdit de faire entrer des sachets dans l’enceinte de l’hôpital ». À ceux qui tenteraient de dissimuler ces emballages prohibés pour en faire usage dans cette formation sanitaire située à 35 km de Cotonou, la sanction est sans appel. « Le non-respect du principe est passible d’une amende de 10 000 F Cfa », précise ce communiqué signé du Père directeur Marius Yabi. Ce dimanche 3 juillet 2022, Célestin Gnonlonfoun Ahouandjinou rappelle la consigne chaque fois qu’un garde-malade franchit le seuil du portail avec un colis. «Nous avertissons toujours les usagers de ne pas entrer dans l’enceinte de l’hôpital avec des sachets au risque de payer une amende. On exige d’eux d’acheter des sacs réutilisables pour y mettre leurs objets. Certains banalisent la mesure mais une fois à l’intérieur, ils sont confrontés à la dure réalité», confie-t-il. Déjà 6 ans que cette bataille dure ici. C’est-à-dire bien avant l’adoption au Bénin de la loi 2017-39 du 26 décembre 2017 portant Interdiction de la production, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation, de la détention, de la distribution et de l’utilisation de sachets en plastique non biodégradables au Bénin. Responsable du service Hygiène et Assainissement. Père Ferdinand Todoté, rappelle le contexte dans lequel cette interdiction a été actée. «D’abord, c’est salissant. Ensuite, à l’époque, l’hôpital ne présente pas ce visage de propriété. Il y a des endroits qui étaient occupés par des herbes et des arbres. Les gens déféquaient facilement dans les sachets puis les jettent dans le gazon. Ce qui contribuait à polluer le milieu. Devant ce constat, les confrères ont pris l’initiative d’interdire l’entrée des sachets plastiques», rappelle ce religieux. Au nom de « la maison commune » Au cours des échanges dans le jardin de l’hôpital ce 3 juillet 2022, d’autres impératifs sont évoqués. Un peu comme le Pape François l’a fait dans son encyclique Laudato Si’ sur La Sauvegarde de la Maison Commune, Père Ferdinand Todoté propose de nous arrêter brièvement pour considérer ce qui se passe autour de nous, la culture du déchet qui affecte aussi bien les humains que la terre. « On a continué à défendre cette belle initiative parce que les sachets plastiques détruisent l’environnement dans lequel nous vivons. Par la combustion, le gaz qui se dégage nous rend malades. L’enfouissement de ces emballages ne permet pas au sol de respirer. Nous laissons ainsi un mauvais héritage à nos enfants. Nous n’avons pas une autre planète secours », justifie le responsable du service Hygiène et Assainissement. À « La Croix », la bataille est sans répit, à tambour battant. Les usagers s’adaptent, malgré eux. Entre deux coups de fil au chevet d’un proche, Marcelline Watchinou raconte sa perception de ce mode de vie, sans sachet : «On s’accommode. Par exemple, c’est dans un emballage papier que j’ai mis le charbon que j’ai acheté ce matin ». Même les riverains et vendeurs situés autour de l’hôpital s’approprient le principe. « Si vous venez ici un jour, vous apprendrez la leçon pour toujours. Il y a des gens qui font du bruit quand on le leur dit au portail, mais dedans, ils comprennent. Si vous achetez de l’eau glacée, il faut la renverser dans un bol. Je crois que ce n’est pas mauvais », témoigne Dieudonné Wolokan, un riverain. Père Ferdinand Todoté note un début de prise de conscience, avec les mesures dissuasives. « Les gens se ressaisissent », se félicite-t-il. Mais une fois hors de son cadre de travail, en ville, il se rend compte que le défi est grand. « J’étais à Allada. Une dame m’a vendu en sachet. Je lui ai aussitôt dit non. Notre souhait est que, dans dix ans, personne ne soit ignorant de ça. Je suis tellement sensible que quand je vois des sachets en ville, ça me répugne », déclare-t-il. Rien que les conséquences sanitaires des plastiques, l’incidence inquiétante des tumeurs de nos jours, devrait obliger le secteur de la santé à jouer sa partition : «Mieux vaut prévenir que guérir».