1. Les villes africaines à l’honneur à la Rotonde des arts
L’exposition L’art dans la cité met en avant le travail de 22 artistes sur les villes africaines, à la Rotonde des arts, au Plateau. C’est dans ce lieu phare de la culture abidjanaise que la Fondation Dapper a mis en place sa première exposition en Côte d’Ivoire. La salle à l’étage qui accueillait la collection permanente de la galerie a été spécialement aménagée pour accueillir une exposition qu’il est possible de visiter gratuitement.
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Le parcours permet de découvrir le regard des artistes sur les questions liées à l’urbanisation, aux changements climatiques et à la résilience. Elle mêle peintures, photographies, installations, performances vidéo, ou encore sculptures. Dans son installation, où elle recouvre entièrement une pièce et ses meubles de sacs Tati de couleur bleu, rouge, gris et blancs, la Sud-Africaine Nobukho Nqaba invite à réfléchir sur l’émigration et l’exode rural des populations à la recherche d’une vie meilleure. Ces sacs sont utilisés pour transporter le strict nécessaire. C’est également ce minimum essentiel qui est montré dans la pièce : un lit, une étagère contenant un peu de vaisselle, une bible. Nobukho Nqaba évoque les espoirs parfois déçus de ces migrants et leurs efforts pour se faire une place dans un nouvel environnement, tout en conservant des éléments de leur identité.
« La Femme de Yougouyougou », série « L’Afrique en mode Yougouyougou », Fatim Diarra, 2019 © Fatim Diarra
Près de cette œuvre, le regard du visiteur est attiré par les couleurs vives d’une photographie de la malienne Fatim Diarra. « La femme sur yougouyougou » semble de prime abord légère comme image. Une femme pose sur une pile de friperies très colorées. L’artiste interroge la surconsommation et la pollution par l’industrie de la mode qui déverse chaque année des tonnes de vêtements de seconde main sur le continent, et plus précisément sur sa ville, Bamako. D’autres artistes plasticiens comme les Ivoiriens Aristide Kouamé et Mounou Désiré Koffi ou le Béninois Prince Toffa créent à partir d’objets recyclés – vieux claviers d’ordinateurs, téléphones portables hors d’usage, canettes, déchets plastiques – mettant en avant les questions environnementales et l’économie circulaire. Passé par les Beaux-Arts d’Abidjan, et formé notamment par Pascal Konan, Aristide Kouamé collecte sur les plages les tongs en plastique rejetées par l’océan, les trie, les assemble, puis y grave des portraits.
L’un des aspects frappants de cette exposition est le sentiment de résilience qui s’en dégage. La série du photojournaliste John Wessels, lors des inondations de 2022 à Dakar, en est un exemple. Elle montre notamment des scènes de vie quotidienne et l’adaptation malgré l’adversité. « Je ne voulais pas donner uniquement une image des difficultés, mais aussi transmettre l’optimisme, explique la commissaire de l’exposition Aude Leveau Mac Elhone. C’est un exemple pour tous, dans le monde entier, qui nous invite à trouver des solutions et à continuer d’avancer. »
Plusieurs galeries ont également prêté des œuvres, notamment la galerie Cécile Fakhoury à Abidjan et la galerie Number 8 à Bruxelles. Pour Aude Leveau Mac Elhone, la thématique de l’exposition permet d’attirer un public éclectique, composé autant de professionnels du monde de l’art que de personnes qui ne fréquentent pas habituellement ces lieux, attirés parfois par la notoriété de certains artistes sur les réseaux sociaux.
L’art dans la cité, Rotonde des Arts, Plaza Nour Al Hayat, Plateau, jusqu’au 22 avril.
2. Peter McCarthy au MuCAT
Du 1er au 23 avril, le Musée des cultures contemporaines Adama Tounkara (MuCAT), situé dans le quartier populaire d’Abobo, accueille l’exposition Autrement de l’artiste australien Peter T. McCarty. Sa création débute en 2020, lorsqu’il reçoit un don de fermetures Éclair d’une ONG dans le cadre d’un programme de formation à des activités génératrices de revenus. « J’ai été frappé par leurs couleurs vives et par l’ironie qu’elles représentaient : les fermetures à glissière ne sont de couleurs vives que pour se fondre dans d’autres tissus et disparaître. Elles sont censées être des serviteurs invisibles qui maintiennent l’objet ou le vêtement ensemble. Je n’ai pas pu résister à l’envie de jouer avec cette dualité », détaille l’artiste.
Alors que la Côte d’Ivoire, où il réside après avoir vécu quelques années au Burkina Faso, traverse une crise lors de la présidentielle de 2020, Peter T. McCarthy voit en ces fermetures la métaphore du pouvoir. Il les assemble pour créer un Kita, un pagne royal dans la culture Akan, à travers lequel il exhorte les dirigeants à l’humilité. Il créera par la suite toute une collection associée au pouvoir, notamment à l’histoire de la princesse Yennenga, à celle des pharaons d’Égypte, questionnant la masculinité. Sa pièce Anthem au nouvel ordre mondial est un N’Zassa (assemblage) de sa version de différents pagnes traditionnels de la sous-région. « Chaque pièce apporte une contribution, rendant l’ensemble plus riche de sa présence », dit-il. L’artiste réinvente les étoffes traditionnelles, les objets du quotidien, et interroge notre rapport à la religion à travers ses collections. Une exposition colorée et créative.
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Ses œuvres ont plusieurs fois représenté la Côte d’Ivoire lors d’événements internationaux, tels que le Contextile, une biennale internationale de l’art textile contemporain au Portugal en 2022 et a été sélectionné pour le Loewe Craft prize dont l’exposition a eu lieu en Corée du Sud la même année.
Autrement de Peter T. McCarty, au Musées des cultures contemporaines Adama Tounkara (MuCAT), rond-point de la Mairie, Abobo, jusqu’au 23 avril.
3. Antoni Clavé à la Fondation Donwahi
Après avoir été exposées à la biennale de Venise en 2022, une vingtaine d’œuvres de l’artiste espagnol font leur arrivée à Abidjan, à la Fondation Donwahi. Peintre, sculpteur, graveur, les créations de l’artiste espagnol, Antoni Clavé, né en 1913 sont parfois difficiles à classer. Ses expériences dans divers domaines tels que le textile, la peinture de bâtiment, l’illustration et la conception d’affiches de cinéma nourrissent son art. Il en résulte, comme pour certains tableaux de l’exposition, des trompe-l’œil dans lesquels il mêle collage et peinture.
« En souvenir d’un masque africain » (Masque IV), Antoni Clavé, 1965. Bronze, 135 x 48 x 18 cm © François Fernandez
Le thème du guerrier se retrouve dès 1958 dans les réalisations de ce contemporain et ami de Pablo Picasso. Certaines interrogent les liens entre les statuettes et les masques africains et leur influence sur l’art moderne européen. “Souvenir d’un masque africain” est la réinterprétation de l’artiste d’un masque dogon avec des assemblages de matériaux divers.
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L’exposition tente également de faire le parallèle entre la guerre d’Espagne, qui a marqué l’artiste et l’a poussé à quitter son pays pour la France, et les crises politiques que la Côte d’Ivoire a traversées. Le vernissage de l’exposition s’est tenu le 22 mars en présence de la ministre de la Culture et de la Francophonie, Françoise Remarck, qui s’est réjouie que la Côte d’Ivoire accueille une telle exposition. Le petit fils de l’artiste, Emmanuel Clavé, était également présent.
Antoni Clavé, l’esprit du guerrier, à la Fondation Donwahi, jusqu’au 27 mai.