Pendant plusieurs années, Dubaï a fait figure d’Eldorado pour les influenceurs du monde entier, et plus particulièrement pour les créateurs de contenu français. La ville, surnommée « la cité de l’or« , leur offrait un cocktail séduisant : fiscalité avantageuse, style de vie ostentatoire, gratte-ciels futuristes, plages artificielles et villas à perte de vue. Le décor parfait pour nourrir leurs réseaux sociaux d’images luxueuses et de récits de réussite. Ajoutez à cela un climat fiscal accommodant et une communauté francophone en pleine expansion, et l’émirat devenait un véritable terrain de jeu pour ceux qui vivaient de leur image.
Bali, nouvel écrin des créateurs de contenu
Mais le vent tourne. Dubaï, autrefois havre doré, semble aujourd’hui perdre de sa superbe auprès des influenceurs. Plusieurs figures emblématiques des réseaux sociaux ont récemment fait leurs valises pour s’installer à Bali, en Indonésie. Ce déplacement n’est pas anodin. L’île aux rizières et aux temples hindous propose un mode de vie moins ostentatoire, plus en phase avec une recherche de bien-être et de spiritualité. On échange les Lamborghini pour les scooters, les rooftops scintillants pour des retraites de yoga dans la jungle, les brunchs hors de prix pour des bols de fruits tropicaux à quelques euros.
Sur TikTok, le hashtag #balilife avoisine le milliard de vues, preuve que l’île fascine bien au-delà de l’archipel. Les publications des influenceurs installés sur place vantent un quotidien plus sain, plus lent, plus « connecté à l’essentiel ». Une esthétique en rupture totale avec le bling-bling de Dubaï. Et cette tendance a des chiffres pour l’appuyer : entre janvier et juillet 2024, Bali a accueilli près de 3,89 millions de visiteurs étrangers, soit une hausse de 34 % par rapport à l’année précédente. La nature abondante, la gentillesse des habitants et un coût de la vie bien plus abordable que celui du Golfe achèvent de convaincre les plus hésitants.
Crise de croissance à Dubaï
Le désamour pour Dubaï n’est pas seulement une affaire de goûts. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le marché immobilier de l’émirat a explosé. Les loyers se sont envolés, rendant le quotidien bien plus coûteux, même pour les influenceurs au train de vie confortable. Cette flambée des prix, couplée à une certaine saturation de contenu basé sur l’ultra-luxe, a fragilisé l’attrait de Dubaï comme vitrine numérique.
Autre coup dur : la chute des placements de produits. Longtemps source principale de revenus pour ces créateurs, ils se font aujourd’hui plus rares, ou rapportent bien moins qu’auparavant. Une situation qui pousse nombre d’entre eux à repenser leur modèle économique. Quitter Dubaï devient alors un choix stratégique autant que personnel. À Bali, la promesse d’un nouveau récit semble plus en phase avec les aspirations actuelles des audiences : authenticité, nature, introspection. Même les collaborations avec les marques s’y adaptent, misant davantage sur le lifestyle zen et le développement personnel que sur l’ostentation.
Un mouvement qui pourrait faire tâche d’huile
Ce glissement géographique ne concerne pas uniquement quelques personnalités isolées. Il s’inscrit dans un mouvement plus large de remise en question des valeurs associées à l’influence en ligne. Là où la réussite se mesurait autrefois à la taille d’un penthouse ou à la fréquence des jets privés, elle s’apprécie désormais à la qualité de vie, au bien-être mental ou à la cohérence entre discours et mode de vie. Le passage de Dubaï à Bali symbolise cette mue. Il marque aussi un recentrage vers des contenus moins superficiels, plus proches des attentes d’un public lassé de l’ostentation numérique.
En quittant la cité futuriste pour l’île des Dieux, les influenceurs français dessinent une nouvelle carte du monde de l’image et du récit personnel. Un monde où l’on troque le bruit des moteurs pour celui des vagues, et où l’inspiration ne naît plus au sommet d’une tour en verre, mais au creux d’une vallée verdoyante. Le changement de décor dit beaucoup sur les aspirations d’une génération en quête de sens, même au travers d’un filtre Instagram.