Publié le 2 mai 2025
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« L’indifférence blesse autant que la violence. Ce drame aurait dû provoquer une onde de choc nationale », regrette Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris. Interrogé par le média algérien TSA, le recteur revient sur l’assassinat d’Aboubakar Cissé, jeune homme malien, à la mosquée de La Grand-Combe, qu’il fréquentait. En pleine prière, il a été tué de dizaines de coups de couteau et filmé par l’assassin.
L’homme de foi est revenu sur l’augmentation des actes islamophobes en France, les discours qui ont abouti à ce drame et le manque de soutien envers sa communauté, qui a pourtant été frappée de plein fouet dans cette petite ville du Gard.
Le recteur dénonce « une banalisation de l’islamophobie »
Interrogé sur l’augmentation des actes islamophobes recensés par le ministère français de l’Intérieur entre début 2024 et début 2025, Chems-Eddine Hafiz a pointé du doigt la normalisation de l’islamophobie, notamment dans certains médias ou dans la sphère politique. Si pour lui la France « n’est pas un pays intrinsèquement hostile aux musulmans […] il serait irresponsable de nier que le climat actuel expose les musulmans à une hostilité grandissante ».
À la question de savoir si les musulmans sont aujourd’hui en danger en France, l’homme de foi acquiesce et évoque un drame qui n’est pas qu’une « tragédie isolée », mais bien « un signal terrible envoyé à des millions de nos concitoyens : celui de ne pas être en sécurité, même dans l’exercice de leur culte et dans leur spiritualité ». Il voit dans la mort d’Aboubakar Cissé « l’aboutissement d’un climat de suspicion, d’invisibilisation, et parfois de haine » envers les musulmans de France.
Des réactions insuffisantes et un double standard
Autre réalité qui a frappé le responsable de la Grande Mosquée ; le manque de soutien et de solidarité après l’annonce de l’assassinat et le début de la traque du suspect, Olivier Hadzovic, un Français d’origine bosniaque qui s’est finalement rendu aux autorités en Italie. « On ne combat pas la haine avec des silences ou des communiqués tièdes », se désole Chems-Eddine Hafiz qui assure que « l’indifférence blesse autant que la violence ».
Il faut rompre avec cette banalisation de l’inacceptable.
Et de dénoncer le double standard des réactions entre les attaques envers les musulmans et celles envers d’autres communautés : « Quand d’autres communautés sont frappées, la République sait se rassembler, parler d’une seule voix. Pourquoi cette asymétrie quand il s’agit des musulmans ? »
« Il faut rompre avec cette banalisation de l’inacceptable », ajoute-t-il, prenant pour exemple la présidente de l’Assemblée nationale française, qui avait, dans un premier temps, refusé la minute de silence demandée pour Aboubakar Cissé.
La solution ? Une « volonté politique claire »
Faut-il alors, tenter de mieux protéger les lieux de cultes musulmans en y postant des patrouilles de police ? Une réponse qui sera uniquement efficace à court terme, juge le recteur, pour qui la vraie protection « est celle des consciences ». Il appelle à une véritable « volonté politique claire » des gouvernants pour lutter contre l’islamophobie, « un problème grave » et « structurant » dans la société française.
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« Dire que les musulmans sont traités comme des citoyens de seconde zone, conclut-il, ce n’est pas un effet de manche. C’est le reflet d’une réalité vécue : celle où la souffrance d’un musulman est relativisée, où son appartenance nationale est toujours conditionnelle, où sa foi devient suspecte. »