Biochar. Pour bio-charbon. C’est le nom d’une poudre noire, un concentré de carbone obtenu grâce au traitement de déchets agricoles, qui, une fois mélangée à la terre de sols pauvres et acides, permet d’améliorer fortement les rendements. Au passage, son processus de fabrication permet de produire de l’énergie de manière décentralisée, qui peut irriguer les communautés villageoises proches de l’usine de traitement. Enfin, et surtout, il peut être (très) fortement valorisé sous forme de crédits carbone. C’est sur ce biochar que NetZero a fondé son modèle économique.
Haro sur le « greenwashing »
Portée sur les fonts baptismaux en 2021, la start-up française est déjà présente sur deux continents : en Amérique du Sud avec un pied au Brésil, et en Afrique avec un site de production installé à Nkongsamba, au Cameroun. La « jeune pousse » n’en est déjà plus vraiment une, surtout depuis qu’OCP, le géant marocain des engrais, est entré dans son capital, en octobre dernier, rejoignant ainsi plusieurs autres poids lourds comme le constructeur automobile Stellantis, le géant des cosmétique L’Oréal, le transporteurs maritime CMA CGM et le fonds d’investissement français Stoa.
« Nous faisons des crédits carbone de très longue durée. Nous sommes sur des milliers d’années de stockage du CO2 », se félicite Axel Reinaud, président de NetZero, qui a accordé un entretien en vidéo à Jeune Afrique en marge de Change Now*. Les crédits carbone vendus par son entreprise ne relèvent pas du « greenwashing », assure-t-il. « Nous sommes sur une vraie neutralisation, sur la même durée, sur la même échelle de temps que le CO2 envoyé dans l’atmosphère. Ces crédits carbone là, ils se vendent très cher, plusieurs centaines d’euros », insiste-t-il. Rien à voir avec ces crédits carbone basés sur les « émissions évitées », si difficile à mesurer et dont le système est si dérégulé qu’il ouvre la porte à toutes les escroqueries possibles. « Vous faites un vol Paris-New York, vous payez 5 euros de plus et vous avez « décarboné » votre vol… C’est entre l’indulgence et l’arnaque », glisse-t-il.
Stratégie d’expansion africaine
C’est par le biais d’InnovX, filiale de l’Université Polytechnique Mohammed VI (UM6P) que le géant marocain des phosphates a apporté son soutien, au sein d’une co-entreprise : 7 millions d’euros, destinés à accélérer le développement de NetZero sur le continent. Une volonté d’expansion en Afrique subsaharienne du groupe marocain parfaitement « en ligne » avec les objectifs de NetZero, qu’Axel Reinaud, ancien consultant de Boston Consulting Group (BCG), a cofondé avec Jean Jouzel, paléoclimatologue et ancien vice-président du Giec, Aimé Njiakin, homme d’affaires camerounais et Pedro de Figueiredo, ancien haut cadre dans la métallurgie.
Le potentiel est titanesque. « On est dans une situation un peu paradoxale parce que le marché potentiel pour nous est absolument gigantesque, de l’ordre de 50 000 usines et 1 milliard de tonnes de CO2 enlevées. C’est absolument gigantesque, mais c’est nouveau », s’enthousiasme Axel Reinaud. NetZero, qui prévoit de s’implanter en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Nigeria, au Kenya et en Tanzanie, déploie une stratégie d’expansion offensive, mais aussi prudente. « On a commencé à construire les usines une par une, une par an. L’année dernière, on a lancé la construction de deux usines. Cette année, on va lancer la construction de quatre ou cinq et progressivement, on va accélérer, énumère le PDG. Tout cela doit se faire, chaque fois, en posant des bases solides. Sinon, c’est le risque de la fuite en avant et un jour, le modèle explose. »
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(*) Jeune Afrique Media Group est partenaire de ChangeNow, qui s’est tenu à Paris du 24 au 26 avril 2025.