La relation entre les États-Unis et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord n’a cessé d’être mise à l’épreuve depuis l’arrivée sur la scène politique américaine de Donald Trump. Dès son premier mandat, l’ex-président a vivement critiqué les alliés européens, reprochant à plusieurs d’entre eux de ne pas consacrer suffisamment de leur budget à la défense. Il a brandi à plusieurs reprises la menace de ne pas défendre les membres « mauvais payeurs » en cas d’agression. Une posture jugée provocante, voire dangereuse, qui a ébranlé le socle de confiance au cœur même de l’Alliance. Bien que les États-Unis restent le pilier militaire de l’OTAN, ces propos ont semé le doute quant à la fiabilité de la solidarité atlantique, et ce scepticisme trouve aujourd’hui un écho croissant, notamment en Finlande.
Le doute s’installe dans une nation récemment intégrée
Entrée dans l’OTAN en avril 2023, la Finlande voyait en cette adhésion un rempart stratégique face à une Russie voisine devenue imprévisible. Mais moins de deux ans plus tard, l’enthousiasme initial semble céder le pas à la prudence. Un récent sondage réalisé par le think tank EVA révèle une baisse spectaculaire de la confiance des Finlandais dans les garanties sécuritaires offertes par l’Alliance. Seuls 32 % des personnes interrogées considèrent désormais que la dissuasion de l’OTAN est suffisamment crédible pour décourager toute agression. À l’automne 2023, cette proportion atteignait encore 53 %.
Ce glissement d’opinion n’est pas anodin. Il révèle une fracture entre la promesse théorique de protection mutuelle et la perception populaire de son efficacité réelle. Loin de se sentir à l’abri, une majorité de Finlandais doutent aujourd’hui que leurs alliés se mobiliseraient effectivement en cas de crise grave. Le pacte de sécurité, pourtant conçu comme une garantie automatique, apparaît aux yeux de beaucoup comme une assurance dont les clauses pourraient se révéler floues, voire inopérantes, lorsqu’un conflit éclate.
Les propos de Trump résonnent toujours dans les esprits
Cette méfiance croissante ne surgit pas dans le vide. Elle est alimentée par un climat international instable et par les souvenirs persistants des déclarations de Donald Trump, qui a plusieurs fois laissé entendre que les États-Unis pourraient ignorer l’article 5 du traité — celui qui engage les membres à se défendre mutuellement — si certains pays ne respectaient pas leurs obligations budgétaires.
Pour les Finlandais, ces paroles ne relèvent pas de la simple rhétorique électorale. Elles sont perçues comme un avertissement concret. Le directeur éditorial d’EVA, Sami Metelinen, note que les sorties de Trump « n’ont pas échappé à l’attention » des citoyens. Ce climat de défiance est renforcé par la perspective d’un possible retour de Trump à la Maison Blanche, qui ravive les incertitudes autour de l’engagement américain au sein de l’OTAN.
À cela s’ajoute une réalité géopolitique particulière : contrairement à d’autres membres de l’Alliance, la Finlande partage une longue frontière terrestre avec la Russie. Dans un contexte où les tensions régionales sont palpables, la confiance dans l’aide extérieure devient une question vitale. Et si cette aide semble conditionnée à des critères politiques ou financiers, le sentiment d’insécurité prend le dessus.
Une désillusion stratégique qui pourrait avoir des répercussions
L’attitude finlandaise ne se limite pas à une inquiétude passagère. Elle reflète un changement de mentalité plus profond, qui pourrait influencer la manière dont le pays définit sa stratégie de défense à l’avenir. Si l’OTAN est perçue comme un filet de sécurité aux mailles incertaines, Helsinki pourrait être tentée de renforcer ses capacités militaires nationales, voire de rechercher des partenariats bilatéraux plus fiables.
Cette désillusion pourrait aussi avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays membres, notamment ceux situés à la périphérie de l’Europe ou aux frontières russes. La promesse d’un parapluie collectif ne suffit plus à rassurer. Il faut désormais des signes concrets, des engagements tangibles, et une cohérence dans les discours des dirigeants des grandes puissances de l’Alliance.
En Finlande, cette défiance n’est pas seulement une affaire d’opinion publique. Elle soulève une question de fond : que vaut une alliance militaire lorsque ses fondements sont remis en cause par ceux censés la garantir ? L’OTAN est conçue comme un pacte indéfectible, mais il suffit d’un doute, d’une déclaration équivoque, pour fissurer cette architecture.