Après plus de trois années de guerre, l’Ukraine fait face à un déséquilibre grandissant sur le terrain militaire. Les forces armées ukrainiennes, bien que solides et résilientes, peinent à égaler les effectifs russes. Alors que Moscou a porté ses troupes à 1,5 million de soldats en début d’année, Kiev en comptait environ 980 000 selon un décompte récent. L’usure du conflit, combinée aux lourdes pertes humaines et à l’épuisement progressif des unités, accentue les difficultés pour maintenir une ligne de front stable. Dans ce contexte, l’Ukraine se heurte à un enjeu majeur : comment renouveler ses forces et encourager les jeunes générations à rejoindre l’armée, malgré la fatigue, les risques et un avenir incertain.
Recruter une jeunesse épuisée
Pour répondre à ce défi, les autorités ukrainiennes ont lancé en février le « Contrat 18-24 ans », un programme ambitieux destiné à séduire les jeunes citoyens. Avec un argument financier conséquent, l’État propose un salaire pouvant atteindre 2 900 dollars par mois, une prime d’enrôlement équivalente à près de 24 000 dollars, des prêts immobiliers à taux zéro, l’accès gratuit aux soins médicaux et aux études supérieures. Des avantages qui contrastent nettement avec le salaire moyen national avoisinant 520 dollars mensuels.
Malgré ces incitations, les résultats restent timides. Selon Pavlo Palisa, conseiller militaire du président Volodymyr Zelensky, moins de 500 contrats ont été signés en deux mois, un chiffre bien en deçà des espérances initiales. Le programme, qui a d’abord ciblé six brigades avant de s’étendre à vingt-quatre, n’a pas encore permis d’inverser la tendance. L’épreuve est d’autant plus rude que l’économie en tension oblige de nombreux jeunes à privilégier des emplois civils indispensables à la survie du pays plutôt que de rejoindre les rangs militaires.
Un équilibre fragile à maintenir
Conscient de la fragilité de la situation, Volodymyr Zelensky cherche à éviter une mobilisation forcée, mesure qui risquerait de provoquer un rejet au sein de la population. L’option privilégiée reste celle d’une armée professionnelle, capable d’attirer des volontaires motivés par des perspectives de carrière et de stabilité financière. Rustem Umerov, ministre ukrainien de la Défense, présentait ce programme comme une étape vers une armée moderne et compétitive. Pourtant, l’écart avec les forces russes, tant en nombre qu’en matériel, reste conséquent.
Le dilemme est clair : comment convaincre une jeunesse déjà lourdement mise à contribution par l’économie de guerre de troquer ses espoirs civils contre un engagement militaire risqué ? Les promesses financières peinent pour l’instant à surmonter les craintes, même si les responsables ukrainiens espèrent que l’extension progressive du programme finira par porter ses fruits.
Une bataille au-delà des armes
Au-delà de l’enjeu militaire immédiat, la capacité de l’Ukraine à régénérer ses effectifs pose la question de la pérennité de son effort de guerre. Contrairement à la Russie, dont la mobilisation démographique et industrielle repose sur des ressources humaines plus larges, l’Ukraine doit composer avec une population réduite et affaiblie par les migrations et les pertes humaines. Chaque soldat devient ainsi une ressource précieuse, difficile à remplacer.
Dans cette lutte asymétrique, les prochaines semaines seront décisives pour évaluer l’efficacité des mesures de recrutement. Le maintien de la cohésion sociale, la résilience économique et la capacité à inspirer une nouvelle génération de défenseurs conditionneront la suite du conflit. Volodymyr Zelensky et son gouvernement naviguent entre l’urgence militaire et le besoin de préserver le tissu national, un exercice d’équilibriste dont dépend une part importante de l’avenir du pays.