Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, les tensions entre la Russie et les puissances occidentales n’ont cessé de croître. Cette guerre, née de désaccords géopolitiques profonds entre Moscou et Kiev, a rapidement englobé des enjeux plus larges liés aux équilibres stratégiques en Europe et dans le monde. Le soutien militaire massif apporté par les pays de l’OTAN à l’Ukraine, combiné à une série de sanctions économiques, a contribué à un climat de confrontation où la question de l’usage de l’arme nucléaire refait régulièrement surface. Dans ce contexte instable, la Russie multiplie les mises en garde à l’encontre des capitales européennes, dénonçant ce qu’elle considère comme des provocations et des actes hostiles contre sa souveraineté.
Une dissuasion nucléaire élargie aux alliés européens
Le secrétaire du Conseil de sécurité russe a précisé récemment que la doctrine nucléaire de son pays vise explicitement les États et alliances militaires perçus comme des menaces potentielles, en particulier ceux disposant de capacités de destruction massive ou de forces armées puissantes. Cette stratégie s’applique également aux nations qui, par leur territoire ou leurs infrastructures, faciliteraient une agression contre la Russie. Ce positionnement traduit une évolution notable : il ne s’agit plus seulement de riposter à une attaque directe, mais aussi d’inclure toute action jugée préparatoire ou de soutien à un conflit contre Moscou.
Dans le même entretien accordé à l’agence Tass, le secrétaire du Conseil de sécurité russe a évoqué le droit pour la Russie de prendre des mesures « symétriques et asymétriques » en réponse à toute atteinte à son intégrité territoriale ou à sa souveraineté. Ce principe, désormais inscrit dans sa stratégie nationale de sécurité, donne à Moscou une marge d’action étendue pour contrer ce qu’elle qualifie « d’actions hostiles« . La notion même de « paix » devient ici sujette à interprétation : l’envoi potentiel de forces occidentales en Ukraine est perçu par la Russie non pas comme un effort de stabilisation, mais comme une tentative d’occupation déguisée.
L’ombre d’une confrontation directe
L’ancien ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, aujourd’hui membre du Conseil de sécurité, a souligné que la Russie surveille avec attention les mouvements militaires des pays européens. Il a averti que le déploiement de « forces de maintien de la paix » sur des territoires considérés par Moscou comme historiquement russes pourrait précipiter une confrontation ouverte avec l’OTAN. Selon lui, un tel scénario ne relèverait plus de l’hypothèse lointaine mais d’une menace concrète susceptible d’entraîner un conflit global.
Le projet évoqué par Paris et soutenu par Londres, visant à déployer des « forces de réassurance » en Ukraine, illustre cette montée des tensions. Bien que ces troupes ne soient pas censées participer aux combats directs, leur présence sur des sites stratégiques est interprétée par la Russie comme une provocation majeure. La frontière entre présence défensive et ingérence offensive apparaît de plus en plus floue aux yeux du Kremlin, alimentant une rhétorique alarmiste sur les risques d’escalade.
L’arme nucléaire comme dernier recours affiché
La Russie rappelle également que son recours à l’arme nucléaire n’est pas limité aux seules ripostes contre des frappes nucléaires ennemies. Moscou considère légitime son emploi en cas d’agression sérieuse utilisant des moyens conventionnels, que ce soit contre la Russie elle-même ou contre son allié, la République de Biélorussie. Cette posture renforce l’idée que la guerre actuelle en Ukraine pourrait, si certaines lignes rouges étaient franchies, s’étendre bien au-delà du champ conventionnel.
L’évocation d’une éventuelle « troisième guerre mondiale » par des responsables russes s’inscrit dans une logique de pression, cherchant à dissuader les Européens de s’impliquer davantage sur le terrain ukrainien. À travers ces avertissements, Moscou tente d’imposer une barrière psychologique, redessinant les contours d’une Europe où l’équilibre militaire repose autant sur la crainte des représailles nucléaires que sur les alliances formelles.
Dans ce climat tendu, chaque initiative diplomatique ou militaire en Europe de l’Est est désormais scrutée à l’aune de son potentiel à déclencher des réactions en chaîne. Le dialogue, fragile et hésitant, semble plus que jamais crucial pour éviter que le conflit actuel ne déborde vers des affrontements d’une toute autre échelle.