L’arrivée d’Omicron, nouveau variant du coronavirus, désorganise les chaînes de production du monde entier. Les différents pays tentent de trouver des solutions afin de remédier à ces pénuries. Toutefois, un nouveau choc d’approvisionnement est à craindre, estime Jean-Paul Pollin, professeur à l’université d’Orléans et membre du Cercle des Economistes.
RFI : Exemples parmi d’autres : touché par les pénuries, le géant du jeu vidéo Nintendo prévoit des retards d’approvisionnement pour sa console Switch au-delà du début 2022. En cause, la pénurie mondiale de semi-conducteurs et les perturbations des chaînes logistiques. C’est pour se prémunir de ces pénuries à l’avenir que Taïwan et le Japon envisagent une coopération globale dans les semi-conducteurs. On voit bien que les différents pays tentent de remédier au problème d’approvisionnement. Avec quel résultat ?
Jean-Paul Pollin : Il est vrai que les différents pays ont eu des stratégies assez différentes face à la recrudescence de la pandémie. Et cela a eu un impact direct sur les chaînes d’approvisionnement. La Chine joue une stratégie « zéro Covid ». On ferme des usines, on confine un maximum. Bien sûr, cela met en difficulté un certain nombre d’entreprises. La fabrication des produits ainsi que leur livraison de par le monde s’en trouvent retardées.
Ceci dit, on a joué le jeu du commerce international, on a joué le jeu de l’internationalisation de la production. Mais cette mondialisation, car c’est d’elle dont il s’agit, elle s’est faite d’une façon totalement non coordonnée. Or les interdépendances de plus en plus grandes entre les pays appelaient précisément plus de coordination. D’une certaine façon, on a été piégé par la mondialisation en oubliant les questions de sécurité.
RFI : Les difficultés de chaînes d’approvisionnement concernent aussi la France. Avec l’arrivée d’Omicron, on risque une amplification des contraintes sur l’industrie française qui dépend à 60% de la zone euro, la plus touchée par la pandémie, pour ses approvisionnements. Plusieurs secteurs sont touchés par ces perturbations, notamment l’automobile, l’électronique, la métallurgie ou le bâtiment. Pour les aider, un plan de soutien de Bercy a été ouvert à toutes les filières. Ce choc d’approvisionnement pourrait-il peser sur la croissance française ?
Cette interdépendance entre les différents pays est particulièrement frappante dans la zone euro. Il y a, certes, la pénurie mondiale de semi-conducteurs, mais le même problème touche également le bois utilisé dans la construction. On manque d’acier qui entre à la fois dans la construction, mais aussi dans la fabrication d’un grand nombre de produits manufacturés. L’Allemagne, notamment, est le grand fournisseur de la France en ce qui concerne les biens d’équipements.
Il est donc clair que ce choc d’approvisionnement risque de peser sur la croissance du PIB français et celle des autres pays membres. Et ce, au moins sur le premier trimestre 2022. C’était déjà le cas lors des vagues précédentes. Les prix à la production vont à nouveau croître. Des chaînes de production risquent de se trouver arrêtées. Évidemment, ceci n’est pas bon pour la croissance.
RFI : Le gouvernement table toujours sur une hausse du PIB de 4% dans l’Hexagone en 2022. Après un début d’année pénible, la croissance française pourra-t-elle reprendre ?
On sait pour l’instant peu de choses sur ce nouveau variant du coronavirus. On sait qu’il se propage vite, mais qu’éventuellement, il pourrait être moins dangereux que le précédent variant, Delta. Il est donc difficile à ce stade de se prononcer. Néanmoins, si les choses devaient se passer comme lors des vagues précédentes, on voit bien qu’à chaque fois, il y a eu une profonde dépression, mais qu’ensuite elle a été rattrapée assez vite grâce aux dispositifs déployés par le gouvernement. Des mesures de soutien qui consistaient à maintenir d’une part la demande et d’autre part, à maintenir autant que possible l’offre. C’est-à-dire permettre aux entreprises de survivre pendant la période difficile de façon qu’à la reprise, les outils de production ne soient pas trop dégradés.
Cela a été possible en 2020 et 2021. Cette année, la reprise a été nettement plus forte qu’attendu. Simplement, on ne peut pas éternellement continuer à supporter la production, à subventionner les entreprises alors que de facto, il n’y a pas de production et le travail n’est pas fait. Nous sommes en France à des niveaux d’endettement élevés. On ne peut pas continuer à tirer sur la corde indéfiniment.
rfi.fr