Majesté, vous occupez le trône depuis 21 ans. On sait que Bantè s’est illustré dans les violences électorales, ces dernières années au Bénin notamment les législatives de 2019 et la présidentielle de 2021. Mais contrairement à ces deux élections, les législatives du 8 janvier 2023 se sont déroulées relativement dans le calme. Est-ce qu’on peut estimer que le calme est désormais définitivement revenu à Bantè ?
Bien sûr, le calme est totalement arrivé. Les atouts sont là. Vous savez, ici la population ne connaît pas de programme de parti politique. Nous, on vote les personnes. Pourquoi je dis que les atouts sont réunis ? Par exemple, le préfet est de chez nous ici, et il a beaucoup travaillé dans le sens du calme. Deuxième chose, les grands leaders de la population ici, c’est Les Démocrates. Une fois qu’on les ajoutés, la paix est revenue. Mais c’est l’exclusion qui était à la base de cette violence. Et notre leader charismatique aussi n’est pas dans le pays, il est en exil. Nous, on vote le sang.
Vous voulez parler de Komi Koutché ?
Voilà, je veux parler de Komi Koutché. J’ai dit n-fois au président de la République, ce n’est pas les programmes que vous citez que nous votons. Quelqu’un qui est proche de toi, s’il vient à la maison un jour, il peut dire prenez 500F, prenez ça là ; c’est ça que nous on vote ici. Donc c’était le départ de notre fils-là aussi qui a conduit à tout ça. Je peux citer ça aussi parmi les raisons.
Mais il est toujours en exil pourtant on a noté une accalmie lors des dernières élections.
Oui, il y a d’accalmie. Je vous dis que le préfet du département, c’est un des nôtres. C’est quelqu’un qui a bien travaillé, surtout pour la paix, il n’a pas dormi. C’est les personnes là que nous on vote. Le gouvernement qui est là maintenant, quel fils on a dedans ? On n’a personne.
Donc la nomination d’un fils de Bantè comme préfet du département des Collines a beaucoup contribué à ramener la paix ?
Beaucoup. Ça a bien contribué. Si nos cadres ne sont pas dans le gouvernement alors que vous dites qu’on est ensemble. Une fois que le préfet est là, il a beaucoup fait même dans la nuit profonde on est avec lui.
Donc comme le préfet est là, et il a contribué à ramener la paix, on peut oublier celui qui est en exil ?
Non, on ne peut pas l’oublier mais c’est la violence qui ne sera plus de mise. On ne peut pas oublier Komi Koutché, c’est un fils de chez nous. Mais on sait qu’une fois qu’ils ont commencé par pensé à nous, un jour il va revenir. On a l’espoir qu’il va revenir.
Est-ce qu’en tant que Roi de Bantè, vous faites particulièrement quelque chose pour le retour de Komi Koutché ?
Qu’est-ce que nous, on va faire ? Quand les occasions de rencontre des autorités viennent, on ne cesse de plaider son cas. Même on a été rencontrer le président de la République au début de la campagne. Il a dit qu’il a mis en place un comité de retour de Komi Koutché. C’est la violence-là qui a fait que ça a échoué sinon on a rencontré le PR même et on lui a dit que c’est notre fils qu’on veut. Mais comme la violence est survenue, on n’a pas eu le cœur tranquille pour aller continuer les négociations avec le PR.
Vous pensez que le retour de Komi Koutché va davantage ramener la paix à Bantè et environs ?
Bien sûr. Vous savez, nous, nous n’avons pas beaucoup de cadres. Et les cadres aussi sont de divers niveaux. Ceux qui pensent à la population, ceux qui sont pour la population on les connaît. Etre cadre, ce n’est pas seulement avoir des diplômes. Ce n’est pas ça qui compte mais celui qui rentre dans la population et pense à la population. C’est ceux-là qu’on veut.
A part le retour de Komi Koutché, quels sont les autres problèmes qui sont toujours latents, liés à ces violences électorales ici à Bantè ?
Quand on fait l’inventaire du développement que les gens font et ils parlent d’Asphaltage, nous, on n’a rien jusque-là alors qu’il reste trois ans pour qu’il (le président Ndlr) finisse. Nous sommes toujours à l’étape des promesses. On n’a rien à part la voie inter-Etats. Et vous savez, l’Africain, s’il ne voit pas il ne croit pas trop hein. Donc sur la chaîne des doléances, le secteur de la santé à Bantè ça ne vaut pas la peine. Si vous faites un tour au centre de santé vous allez voir le médecin, c’est un généraliste. Les agents ne sont pas qualifiés… C’est Bantè centre ça. Ne parlons même pas des alentours de Bantè… Il n’y a pas d’hôpital de zone ici, nous sommes rattachés à Savalou. On n’avait bénéficié de blocs opératoires ici, mais tout est déjà vidé. Ça ne marche pas. Nous sommes aussi des gens qui aiment le sport. Nous avons nos enfants qui évoluent dans l’équipe nationale du Ghana. Dans l’équipe nationale du Bénin, le gardien, voilà sa maison là. Et les gens partagent la construction des terrains sans penser à nous. Saturnin Allagbé, il est de Bantè. Voilà sa maison là où il y a l’antenne là. Il est Laourou. Tout ça peut nous énerver. On n’est pas content quand même.
Donc vous voulez qu’on construise également les stades municipaux à Bantè ?
Normalement. On a des enfants qui jouent. Il y a un autre gardien de buts aussi, Abiola (qui jouent dans l’équipe nationale junior Ndlr). Donc naturellement, nous sommes des footballeurs. On en a beaucoup. Et les gens ne peuvent même pas dire, ces gens il faut les récompenser au moins.
Mais vous avez l’eau, l’électricité… mieux qu’avant et vos enfants vont à l’école sans grève.
Les enfants vont à l’école effectivement sans grève. Mais, nous, nous sommes des agriculteurs. L’aboutissement de l’élève, ce n’est pas pour cinq ans, ce n’est pas dix ans pour qu’on dise une fois que l’enfant va à l’école c’est ça qu’on va manger. On sait que c’est l’avenir mais si le présent tu n’as rien, comment tu vas penser à l’avenir ? Le président vient ici, je dis que nous sommes écartés, nous sommes oubliés alors qu’il y a des fidèles du président ici. Qu’est-ce que nous on bénéficie, nous les fidèles ? On n’a rien.
Pour revenir aux élections, est-ce qu’il y a des fils ou des filles de Bantè qui sont en prison comme il y en a ailleurs ?
Au moins j’ai un dont les parents viennent me voir souvent. Un certain Honoré qui serait à Akpro Missérété, selon ce que j’ai appris. Je ne sais pas s’ils ont changé de prison. Pour lui, ce n’est pas à la période-là qu’on l’a arrêté. Je pense que c’est après quelques mois qu’il est arrêté. Au sud vers les Gouka, il semble, je n’ai pas les preuves, qu’ils sont encore en prison.
Est-ce que le retour de ces personnes ne participerait pas également à renforcer la paix ?
Bien sûr. S’ils font grâce présidentielle et ils sont de retour, on sera content. Je suppose qu’ils ont mal agi. Mais ce n’est pas parce qu’un enfant a mal agi qu’il faut le punir pour l’éternité. Une fois qu’on leur a tiré les oreilles, il faudrait qu’on les laisse pour qu’ils viennent. C’est des gens sur qui on a beaucoup dépenser pour des écoles mais voilà aujourd’hui on ne les voit plus parmi nous. Donc la grâce présidentielle serait la bienvenue.
Qu’est-ce que vous pensez qu’il faut faire pour que Bantè ou peut être ailleurs, on n’ait plus jamais à revivre ces malheureux événements ?
Non, on ne va plus revivre. C’est un incident. La plupart de ceux qui ont agi ne sont pas des fils du terroir. C’est des gens d’ailleurs qu’ils ont amenés pour agir. Mais, maintenant on ne va plus les laisser faire ces gens de choses.
Vous voulez dire que les chasseurs sont venus d’ailleurs ?
Le mot chasseur que les gens prononcent, nous on n’aime pas ça. On n’aime pas la dénomination ‘’chasseur’’ parce que nous, nous sommes nés chasseurs. Un chasseur ne tire pas sur un homme, jamais ! C’est interdit. Donc c’est des gens qui sont formés ailleurs qu’ils ont amenés. S’ils sont achetés, nous on ne sait pas.
Certains parlent de chasseurs venus du Nigéria…
C’est des comités de sécurité civile que les gens forment au Nigéria, semble-t-il. Ce n’est pas des chasseurs de chez nous. Nous, la chasse, c’est dans notre sang. On ne peut jamais faire ça, tirer sur l’homme comme ça ? Jamais ! Donc c’est des étrangers. Ils seraient venus du Togo aussi.
Propos recueillis et transcrits par Jacques BOCO