La mise en application des dispositions d’un arrêté qui date de 2008 n’est qu’une régularisation, selon les faîtières, et vise à réduire les intermédiaires dans la manipulation du pain, avant le consommateur final. Ignace Adjanohoun, secrétaire général de l’Association nationale des promoteurs et exploitants des boulangeries et de la pâtisserie (Anapeb), explique le bien-fondé de la démarche.
La Nation : Pourquoi le maintien d’un nouveau prix du pain au niveau des boulangeries en dépit des appels à une action concertée ?
Ignace Adjanohoun : Il faut une fois encore insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une augmentation du prix du pain. Il s’agit d’une régularisation d’un arrêté qui date de septembre 2008, et qui régule les prix en tenant compte de certains facteurs socio-économiques et politiques. On ne saurait laisser le pain sans une régulation de l’État, parce que le manque de pain de façon criante peut amener à des situations incontrôlables. Tout gouvernant se doit de faire réguler le prix du pain pour permettre à sa population de vivre. Donc, il n’y a pas eu une augmentation au niveau de nos unités de production, nous sommes fondés à utiliser les prix actuels sur la base des dispositions de l’arrêté de 2008. Les pains de 200 g sont cédés à 135 F au prix de gros, et vendus au consommateur à 150 F. Ceux de 160 g sont cédés en gros à 112 F aux distributeurs, afin que le consommateur final l’achète à 125 F. Contrairement à ces dispositions de l’arrêté, à cause de la tricherie, les collègues cédaient le pain à 80, 85 voire 90 F aux distributeurs, pendant que le prix de la farine était un peu plus ou moins abordable. Le prix de la farine de 50 kg était à 12 mille, 13 mille, 14 mille au plus. Aujourd’hui, le sac de farine de blé a grimpé.
Nous l’avons entre 26 mille et 30 mille, et la levure qui est un intrant essentiel, est aussi passée de 16 mille, 15 mille, voire 8 mille à 25 mille, 27 mille et même 30 mille. Vous connaissez le prix du sel sur nos marchés, sans évoquer les factures d’eau et d’électricité, qui sont des intrants importants. Sans la glace on ne peut fabriquer du pain, car le pain est chaud, mais l’on l’obtient à partir du froid. Tous ces facteurs ont fait que les promoteurs et exploitants des boulangeries et de la pâtisserie se sont endettés. Plusieurs, sinon presque la moitié, ont déjà fermé. Pour nous qui sommes restés dans cette activité en dépit de tout, si nous ne prenions garde, nous subirions le même sort, et ce serait dommageable au pays.
La régularisation appliquée par les faîtières a impacté le revenu des femmes revendeuses. Que répondez-vous à leurs plaintes ?
C’est vrai qu’elles disent qu’elles ne gagnent que 13 francs Cfa sur le pain, que cela ne suffirait pas, parce qu’elles achètent des emballages et autres. Mais dites-vous, les promoteurs et exportateurs ne gagnent rien pendant qu’elles gagnaient 25 F, alors que nous avons investi des millions de francs dans nos installations et dans l’achat des intrants. Nous sommes aussi des clients importants des entreprises productrices de farine de blé, qui payent des impôts. Pour faire face à la fiscalité, il nous faut vendre le produit au juste prix. Cette augmentation va induire un respect rigoureux du grammage et l’Etat pourra également observer un contrôle strict et sanctionner les indélicats.
Il s’observe toujours une disparité des prix dans les boulangeries. Qu’en dites-vous ?
Il y avait un désordre. Nous travaillons à y remédier. Chacun essayait de fixer le prix du pain suivant sa propre grille. Contrairement à ce que prévoyait l’arrêté, le produit était vendu à la boulangerie à 90 F, voire 85 F. Ainsi, ceux qui ont tenté de respecter quelque peu l’arrêté, en cédant le pain à 100 F à la source, même pas encore à 112 F, ont fait faillite, parce que ayant perdu leurs clients au profit des moins-disants. Aujourd’hui, nous pensons qu’il faudrait uniformiser les prix, en nous référant tout simplement aux dispositions de l’arrêté. Tout finira donc par rentrer dans l’ordre.
Nous avons d’ailleurs eu plusieurs séances depuis 2020 avec notre ministère de tutelle, afin qu’on introduise un dossier au niveau du Conseil des ministres pour la prise d’un nouvel arrêté. En attendant la prise de cet arrêté pour faire face aux réalités actuelles des prix des intrants sur le marché, il nous faut déjà appliquer rigoureusement les dispositions de l’arrêté de 2008. Tous les calculs sont faits et chacun sait le nombre de baguettes de pain que l’on peut produire avec un sac de farine, et le prix de vente à fixer. Nous sommes déjà totalement en déphasage avec les dispositions de l’arrêté de 2008. Et si nous n’arrivons pas à l’appliquer, bien que caduc à nos yeux, comment pourrions-nous mettre en œuvre celui que nous appelons de tous nos vœux de la part du gouvernement pour soulager nos peines ? C’est pour vous dire que le prix du pain est appelé à grimper au regard de la situation que nous traversons avec le coût des intrants.
N’est-ce pas une corvée que de demander aux revendeuses de se rendre elles-mêmes à la boulangerie pour acheter du pain ?
C’est ce qui se faisait dans le bon vieux temps. Personne ne trouvait du pain dans les coins de rue. Il y avait une voiture qui distribuait le pain dans les villages, mais en ville, si vous avez besoin du pain, vous allez à la boulangerie. J’ai parcouru plusieurs pays de la sous-région, et je peux vous dire que ce soit au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou au Togo, les gens vont au niveau des boulangeries pour se procurer le pain. Ce n’est qu’au Bénin que nous voyons du pain circuler dans des conditions crasseuses, qui ne donnent pas vraiment confiance à en consommer. Ce n’est pas une bonne image que de voir du pain traîner dans des paniers avec des gens qui ne savent même pas bien conduire et qui créent des accidents tout le temps. Vous les voyez circuler avec des motos et des paniers hors gabarit, renversant au passage d’autres usagers de la route. Nous voulons arrêter tout ça, pour que le pays ressemble à l’image qu’on lui imprime aujourd’hui.
Aucun intermédiaire n’est prévu par l’arrêté de 2008. Le pain passe de la boulangerie aux mains de la bonne dame qui le revend au dernier consommateur. La manipulation excessive du pain amène à d’autres situations de santé. C’est une denrée qui se consomme directement. Il faut en tenir compte pour nourrir de manière saine la population. Lorsque le coût des intrants sera en adéquation avec le prix de vente au consommateur, nous mettrons notre veto pour que tout promoteur prépare le produit dans les conditions les plus idoines notamment en matière d’hygiène et de respect du grammage.